FOUDRE!
Future Sabbath
- 41 minutes
Oiseaux-Tempête, Mondkopf, Saåad, Autrenoir. Tous d’importants projets de la bouillonnante scène musicale expérimentale de Toulouse et Paris en France, tous réunis également au sein de ce super-groupe. Fondé en 2015, le groupe intègre aussi normalement Christine Ott dans ses rangs. Il nous offre ici son 5e album en carrière.
Le matériel sonore a toujours été difficile à décrire chez FOUDRE!, mais le constat est plus vrai que jamais sur Future Sabbath. On y retrouve des influences de chacun des projets, mais poussées encore plus loin. Se côtoient à parts égales post-rock, drone, noise et musique ambiante, mais également techno, trance, free jazz et même des touches d’orientalisme via l’ajout de baglama à certains endroits. Au final, pour caractériser la musique de la formation, les termes ‘’psychédélisme sombre’’ seraient probablement les plus sécuritaires à utiliser pour être sûr de ne pas se tromper.
Le tout se manifeste assez rapidement à l’écoute. La face A, plus calme, s’ouvre lentement sur un drone distordu, prenant peu à peu le devant sur divers bruits et grincements. Le tout devient rapidement hypnotique et captivant, venant appeler aux autres sens que la simple ouïe grâce à la surcharge de textures et aux fréquences plus aiguës qui se manifestent éventuellement. Le but est de provoquer une transe, mais sans brusquer. Le mystérieux sabbath, évoqué dans le titre, se prépare jusqu’à l’arrivée des éléments plus percussifs et étourdissants de la seconde section de Liberation of the Mystics et la confrontation de textures sur Imaginatio Vera. La seconde pièce nous introduira également le saxophone, suave et juste assez discordant sur cet album.
La seconde face, elle, est plus technoïde, pour reprendre le terme avec lequel Romain Barbot, l’un des membres du groupe, me l’avait présentée. L’aspect de transe est poussé dans un penchant beaucoup plus énergique sur Black Swan Theory grâce à une rythmique claire et dansante, ainsi qu’à une réelle surcharge sonore bien loin de la contemplation des premières pistes. La messe noire du groupe bat son plein et on sort de l’abstraction intellectualiste pour entrer dans une expérience charnelle des plus intenses. Tout est grandiose et épuisant, surtout le jeu de baglama, mais sans jamais être désagréable. Et le rythme se maintient jusqu’à la grande finale de Danse secrète, courte invocation orgiaque et conclusive.
Le génie de Future Sabbath réside surtout dans le son live. L’album est en effet le fruit d’une captation en spectacle du groupe, à laquelle a été ajouté un travail d’overdub en studio. On y conserve toutefois le sentiment d’urgence et d’expérimentation que l’on ne peut retrouver que devant public et qui nous donne ultimement le goût de pouvoir y assister nous aussi, afin de profiter de la transe inévitable que l’album doit provoquer. L’opus restera donc sans aucun doute leur meilleur à ce jour, ne serait-ce que pour son énergie contagieuse et son magnétisme envoûtant.
En matière d’expérience sonore et de volonté de repousser les limites stylistiques traditionnelles de la musique, c’est probablement l’une des œuvres les plus importantes que j’ai entendues dans les dernières années. Depuis la réinvention de Sorrow d’Henryk Gorecki par Colin Stetson en 2016 en fait! C’est simplement dommage que l’album risque de passer relativement inaperçu chez le grand public, comme c’est trop souvent le cas avec les musiques d’avant-garde.
Je finis avec une dernière petite recommandation : allez regarder ce qui se fait chez Nahal Recordings! La jeune étiquette française, fondée par Paul Régimbeau et Frédéric D. Oberland, tous deux membres du groupe, offre des petits bijoux de musique. Elle représente le penchant expérimental de In Paradisum et reprend quelques artistes de chez Hands in the Dark notamment.