Critiques

Flying Lotus

Until The Quiet Comes

  • Warp Records
  • 2012
  • 47 minutes
7,5

Steven Ellison, alias Flying Lotus, a remué le sol même du hip hop contemporain avec la parution de son deuxième album, Los Angeles, en 2008. On peut parler depuis de l’avant et de l’après Flying Lotus dans le paysage du beat nord-américain. Le terme hip hop est cependant trop réducteur pour le décrire. Ses projets connexes – et son arbre généalogique – alimentent ses racines jazz, et sa présence sur le label britannique Warp en ferait un candidat de choix pour le trône de l’IDM, plus ou moins laissé vacant par Aphex Twin depuis le déjà lointain Drukqs.

Après l’album Cosmogramma, dense et foisonnant, le mini-album Pattern+Grid World rappelant un dessin animé disjoncté, et des projets plus proches du jazz avec son acolyte Thundercat et avec Miguel Atwood-Ferguson, FlyLo aurait pu aller dans tous les sens avec cet album. Il choisit de se replier et de présenter son album le plus calme. Cosmogramma était d’une ambition de taille cosmique, alimentée par la grande douleur ressentie après la mort de sa mère. Il aurait été impossible de garder le même niveau d’intensité. Ellison se rabat donc sur des ambiances hermétiques et feutrées, poussant sa musique dans des espaces hypnagogiques à la fois confortables et angoissants. La pochette de l’album décrit d’ailleurs très bien son contenu: une personne dans l’eau, peut-être en train de se noyer, enveloppée dans des rubans soyeux de couleurs vives. On est loin de l’éclipse monochrome de Cosmogramma et de la forme organique, sombre et menaçante de Los Angeles.

L’avantage de cette approche plus hésitante est que Flying Lotus ne s’enchevêtre pas dans des passages jazz masturbatoires ni dans des séances de glitch étouffantes qui testeraient la patience de l’auditeur. Le désavantage, c’est qu’en faisant preuve de détachement, Ellison dégage une espèce de manque de conviction.

Les collaborateurs de Cosmogramma sont de retour (Thom Yorke, Laura Darlington, Niki Randa, Thundercat) et Erykah Badu et Jonny Greenwood sont aussi de la partie, mais en aucun cas l’artiste invité n’impose sa personnalité sur la musique; pas même Badu, dont la voix est rendue diffuse et filtrée, ni Thom Yorke, qui sonne comme un spectre de lui-même. Chaque complice est manipulé par Ellison pour être assimilé à la vision d’ensemble: détachée, morose, comme une voix d’outre-tombe.

Reste que la technique de Flying Lotus et la beauté de ses trouvailles sonores sont indiscutables. C’est ce qu’on remarque aux premières écoutes, et ce qui m’a fait croire à prime abord que c’est peut-être son meilleur album à ce jour. À la longue cependant, on remarque qu’il manque la résonnance émotionnelle qui avait rendu les deux albums précédents si renversants. Flying Lotus demeure une référence en matière d’innovation, sa technique est parfaite, tout ce qu’il crée est superbe. Mais on le sent distant, ou un brin trop satisfait du travail déjà accompli.

Ma note : 7,5/10

Flying Lotus
Until the Quiet Comes
Warp Records
47 minutes

//flying-lotus.com/until-the-quiet-comes/

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