Critiques

Fenne Lily

BREACH

  • Dead Oceans Records
  • 2020
  • 38 minutes
8
Le meilleur de lca

Suivant le même sentier musical situé à mi-chemin entre indie-folk et dream-pop que On Hold sorti en 2018, mais amorçant un pas différent, Fenne Lily, l’auteure-compositrice-interprète anglaise âgée de 23 ans revient avec BREACH, son second album studio et premier sur le label Dead Oceans (Mitski, Phoebe Bridgers, Bright Eyes).

Écrit à Berlin en période d’isolement, avant et durant la pandémie de la COVID -19, BREACH est le fruit d’une opération qui se voulait non seulement un moyen de surmonter l’anxiété de la chanteuse, mais également d’assouvir son désir d’être à l’aise en sa propre compagnie, sans dépendre d’autrui pour se sentir entière, et cette démarche est tout à son honneur.

Enregistré à Chicago au studio Narwhal avec le producteur Brian Deck (Modest Mouse, Gomez), ainsi qu’à l’Electrical Audio avec Steve Albini (Pixies, PJ Harvey) l’album s’ouvre avec l’onirique To Be A Woman part 1, l’intense antépisode de la piste To Be A Woman part 2, sortie le printemps dernier. Dès les premières notes, on baigne dans l’univers intimiste de Fenne Lily et décidément, elle n’a pas perdu sa capacité à écrire des textes bouleversants et éminemment personnels.

« To be a woman

They hold over me

I’ll be a woman

Fuck falling apart… »

– To Be a Woman Part 1

Digne de l’âge d’or de la scène de Laurel Canyon, il y a quelque chose de nostalgique dans le chant de l’Anglaise, malgré son jeune âge. Comme un distant souvenir des chanteuses folk des années 60-70 (Joni Mitchell, Carole King), elle a un sens inné de la mélodie comme l’atteste les moments enivrants de Berlin (avec Lucy Dacus et Ali Chant aux harmonies vocales), I Used to Hate My Body but Now I Just Hate You et le sublime Someone Else’s Trees (accompagnée de Ali Chant), entre autres. C’est la voix de la mélancolie, de la vulnérabilité et de la fragilité.

Des désillusions amoureuses aux diverses épreuves et questions existentielles, une des grandes forces de l’artiste est sa capacité de basculer entre la vulnérabilité et la dérision sans tomber dans l’apitoiement ou la complaisance. Définitivement plus confiante, sa voix captive et sa détermination se façonnent de belle manière et chaque piste de l’album, tel un témoignage, représente une leçon de vie dans son carnet de route.

J’aime beaucoup l’apport d’intensité et de fureur des chansons Alapathy et Solipsism sur l’album, car Fenne Lily y explore une palette sonore plus pop vibrante qu’à l’accoutumée avec des guitares plus tranchantes et des percussions plus rythmées. Tel un renouvellement, ces pistes modifient agréablement l’ambiance et la dynamique de l’album qui est composé en majorité de ballades, son répertoire habituel.

« Rearranging endlessly, I saw oblivion at capacity […]

Elevate my urgency when it all breaks down you’re a lot like me

Separate your skin just to feel it a fraction… »

– Alapathy

Une voix qui coule doucement et naturellement, une musique en majorité exempte d’artifices inutiles, Fenne Lily nous présente une œuvre mature, raffinée et d’une simplicité désarmante. C’est le résultat d’une grande et longue réflexion sur la solitude, l’absurdité du monde, les contrecoups et surtout les changements. Parfois, se couper du monde pour mieux se ressourcer, cela amène du bon. Voire du très bon même. Et cela Fenne Lily l’a bien compris.

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