Critiques

Father John Misty

Off-Key in Hamburg

  • Bandcamp
  • 2020
  • 95 minutes
7,5

Le dernier album studio de Father John Misty avait fait jaser dans les chaumières en 2018. C’est bien simple, même francetvinfo.fr s’en était ému et avais coiffé sa chronique d’un titre tout chocolat. L’homme à la glorieuse barbe, multi-instrumentiste au CV rock long comme le bras (il a entre autres tenu la batterie pour les Fleet Foxes, oui monsieur !), en est à son deuxième essai d’album live. Le premier consistait en un pressage de sa performance dans la Blue Room du label Third Man Record (maison crée par Jack White en 2001).

Le 23 mars dernier, Josh Tillman (son vrai nom) lâchait donc son second album live, mais pas seulement pour retenir l’attention de ses fans durant le confinement. En effet, les recettes générées par la vente de l’album seront reversées au MusicCares COVID-19 Relief Fund. Fonds destiné à venir en aides aux artistes les plus impactés financièrement par la crise actuelle. L’auteure britannique dont vous avez peut-être entendu parler (J.K Rowling) ne disait-elle pas :  « Bad times like this brings out the best in some people ». Théorie vérifiée donc. Bon… elle ajoutait aussi : « And the worst in others » …sans commentaire.

L’opus, baptisé avec humour Off-Key in Hamburg, est un enregistrement live somptueux d’un concert à l’Elbphilharmonie de Hambourg, capté le 8 août 2019. L’artiste est accompagné non seulement d’un groupe conséquent, mais aussi de la Neue Philharmonie de Francfort, ensemble de quatorze musiciens qui décore richement ses compositions. 

Ce concert nous fait redécouvrir l’artiste. D’abord sa voix flexible, qui invoque des influences éminentes : entre un brame incisif façon Liam Gallagher, lamentation flegmatique à la Harper Simon, et parlé-chanté dylanesque. On retrouve même par endroits des inflexions du monstre sacré du country-rock Neil Young, sur des titres comme The Palace ou Leaving L.A. Ou enfin de la vindicte marmonnée du New-Yorkais Lou Reed (Went to the Store One Day et God’s Favorite Customers).

L’enregistrement nous plonge aussi dans le songwriting tout terrain de l’artiste, en faisant la part belle à ses trois derniers albums solos : I Love You Honeybear, Pure Comedy et God’s Favorite Customer, sauf deux incursions dans l’opus Fear Fun avec la très britpop Holywood Forever Cemetery Sings et Nancy From Now On.

Le folk rock est à l’honneur, mais rien d’étonnant, on pourrait qualifier celui-ci de style « principal » du chanteur, dans lequel il évolue le plus naturellement. M.Tillman et The Night Josh Tillman Came to Our Apt, entre autres. Mais c’est quand il explore les nuances de l’Americana qu’il est le plus éloquent. Écoutez le quasi-ragtime The Ballad of The Dying Man, avec ses grands crescendos apothéotiques. Toujours sur ce même morceau, Tillman lâche les chevaux et laisse tomber le falsetto pour nous faire découvrir des aiguës pleins et éclatants, qui tranchent avec le timbre abrasif de ses médiums. 

Avec une country jazzistique en 3/4 sur A Bigger Paper Bag, façon laid-back, comme un cow-boy qui chevauche dans un soleil couchant et avec Please Don’t Die qui met de l’avant un harmonica mélancolique s’épanchant sur des nappes d’orgue savoureuses.

Puis quelques curiosités : le folk aérien à la Nick Drake avec des accents mexicains, où les cordes se font mystérieuses sur une suite d’accord imprévisible (I Went To The Store One Day). La scie Motown efficace (God’s Favorite Customer), avec son riff de piano typique de l’écurie de Detroit, doublé à la basse puis rejoint par le violoncelle. Le titre est extrêmement bien arrangé. Un vrai plaisir à disséquer. Les cuivres et les cordes y trouvent leur terrain d’entente, s’expriment pleinement tous en laissant la place aux instruments électriques (tendez l’oreille vers les phrases parcimonieuses de Wurlitzer ou les descentes de guitare country, avec un léger souffle de distorsion).

Enfin, la ballade au piano pour crooner de saloon tout miel à la Burt Bacharach, avec des accents de comédie musicale et les mélismes écorchés du chanteur (Pure Comedy).

On peut aussi et surtout apprécier sur cet album la maîtrise des protagonistes, le groupe d’accompagnement, comme l’ensemble de la Neue Philharmonie qui mettent leur savoir-faire au service des chansons de Misty. Sur chaque titre, l’un comme l’autre impose la juste dose musicale pour soutenir et sublimer le morceau.

Comme sur la chaloupée Hang Out at The Gallows, propulsée par des chœurs éthérés et des arrangements denses, puis la très country-pop Holy Shit, avec son interlude cacophonique digne des meilleures expérimentations des Beatles.

Oui, il y a par moments quelques faussetés dans la voix, ce qui fera s’étrangler les angoissés de l’autotune. D’autres en revanche, trouveront que c’est là la véritable beauté de la musique live. Voire même enregistrée. Écoutez la chanson Ruby Tuesday (des Rolling Stones) et essayez de retrouver les notes sur une guitare parfaitement accordée. Vous comprendrez…

Ha si, j’oubliais ! L’album est disponible sur Bandcamp.

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