Eric Chenaux
Skullsplitter
- Constellation Records
- 2015
- 42 minutes
D’abord, tamisez les lumières, versez-vous quelque chose de réconfortant au goût un brin nostalgique, puis trouvez un siège où vous enfoncer. Ensuite, dans la plus pure solitude, appuyez sur «jouer». Vous êtes dans les conditions idéales pour déguster Skullsplitter, le petit dernier de l’inclassable Eric Chenaux.
Have I Lost My Eyes? lance le ton, avec son wah-wah et sa pédale de sourdine qui entrecoupe la pièce. On retrouve le même phénomène auditif sur Poor Time. L’album se développe lentement, nonchalant. Il se dégage quelque chose de très sexy, de langoureux de la voix chaude, un brin monotone d’Eric Chenaux, guitariste et chanteur originaire de Toronto qui bourlingue ses balades depuis plus de vingt ans. D’abord connu pour ses participations dans des groupes punk-rock, Chenaux gagne maintenant sa vie en faisant des trames sonores de films et de spectacle de danse. Polyvalent, le musicien!
La guitare prend le premier plan sur Skullsplitter, mais pas une guitare de rockeur, ni de funk, ni de jazz non plus, quelque chose entre tout ça, très largo, très texturée, modifiée. On entend presque les cliquetis des pédales d’effet qui modifie les jeux de guitares de Chenaux. Avec de la guitare électrique amplifiée, non amplifiée, une guitare à cordes de nylon, des haut-parleurs, un mélodica et un arsenal de pédales, Chenaux a créé un disque onirique. Skullsplitter fait partie de ces albums à écouter les yeux mi-clos.
La voix n’est pas souvent coordonnée avec la musique, elles fonctionnent comme deux entités différentes, vivantes chacune de leur côté, se rejoignant par moment, sorte d’amour courtois moyen-âgeux. On trouve quelque parenté avec la voix de Ben Harper, dans la façon de propulser l’air, de susurrer les paroles, d’ailleurs très poétiques: «A real skullsplitter/To get us through/The winter».
On écoute en se vautrant dans un rayon de soleil et des couvertes de laine sur Spring Has Been A Long Time Coming, nostalgie des jours chauds et de la liberté de sentir le vent lécher ses mollets. The Henri Favorite dégage quelque chose d’une royauté décadente. Le vieux favori aussi, on dirait presque une viole de gambe, l’impression d’un archet sur une guitare, le son un peu grinçant du frottement des crins sur la corde.
Mixé à l’Hotel2tango par Radwan Ghazi Moumneh (fondateur de Jerusalem In My Heart, mixage de Matana Roberts, Suuns, Ought) et masterisé par Harris Newman, Skullsplitter se bonifie à chaque écoute. On retrouve des clins d’œil aux précédents albums: sur Guitars & Voice (2012), Chenaux avait fait paraître le titre Le nouveau favori, tandis que sur celui-ci, nous avons Le vieux favori, la pièce Dull Lights de 2012 est réinterprétée au travers la pièce-titre.
L’album se termine sur Summer & Time, sans doute la pièce la plus accessible du lot. C’est alors la fin du doux voyage que nous fait vivre Chenaux. Un bijou.
Ma note: 8,5/10
Eric Chenaux
Skullsplitter
Constellations Records
42 minutes
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