Enfants Sauvages ne sont par reconnus pour faire dans la dentelle, mais ici, le groupe se lance dans une épopée atypique pour un band de punk hardcore. Après l’opéra rock, voici que la formation pousse la note un peu plus dans le tapis avec un opéra punk. Un projet avec une trame narrative signée Lucien Francœur qui introduit chacune des pièces avec une poésie déglinguée, vautrée dans le vice et la splendeur. Un opéra de 25 minutes qui ne s’enfarge pas dans les fleurs dudit tapis.

Sur Avant la mort, Roxann Arcand a dit que c’était peut-être la chose la plus autobiographique qu’elle avait écrite alors qu’elle aborde la dualité éternelle de la femme : la sainte et la putain. Comme dans une version contemporaine des Fées ont soif. De l’adolescence à l’âge adulte, il y a dans l’album une évolution et une découverte sexuelle qui se fait. Un peu comme dans un film qu’on nommerait « coming of age ».

Elle n’hésite pas à plonger dans le vulgaire, dans le cru, dans le charnel sur Avant la mort. Par bout, c’est érotique, même pornographique, malgré la musique brûlante qui continue de rentrer au poste comme dans Fond de sac. Mais c’est avant tout une œuvre dotée d’une affirmation forte comme sur Calvaire de chair. Le personnage qu’on suit à travers Avant la mort n’est pas monolithique, elle est constamment dans l’évolution en mouvement, comme lorsqu’on regarde notre passé avec une certaine distance. Ça va de la naïveté de la jeunesse à quelque chose comme un fin extatique. Entre les deux, il y a une tonne d’expériences.

Musicalement, Enfants Sauvages se promène à travers de nombreuses influences. Par moment, on entend des influences des premiers albums d’Iron Maiden, quand le punk était plus présent dans leur son. C’est le cas sur Erotico sous mise et surtout sur Heure de passage. Il y a de très bons riffs sur Avant la mort, que ce soit Gamine de comptoir ou encore la plus rock Petit chaperon rouge. On sent des influences aussi de Converge sans jamais aller dans autant de brutalité, mais c’est là.

À travers tout ça, et fidèle à leur approche DIY, on entend les membres interagir entre eux, comme si on était dans le studio avec eux, puisque tout ça a été enregistré tout d’un coup sans réparer les erreurs, comme Roxann Arcand le disait à Patrice Caron dans cette entrevue. On se retrouve devant un punk qui rentre au poste et qui offre de très beaux moments musicaux.

Si la trame est celle d’une femme, les étapes sont marquées par Lucien Francœur, qui a enregistré l’été dernier des passages. On l’entend toujours incarné dans sa poésie marquée par le sexe, drogue & rock’n’roll qui fut le sien à travers sa vie. Est-ce que c’est la dernière chose qu’il a enregistrée avant de quitter le monde des mortels? Ça se peut bien…

Enfants Sauvages cogne un grand coup avec son opéra punk. Avant la mort est une œuvre singulière dans le paysage. Contrairement à Mama mia, ça ne fera pas trois semaines au St-Denis, même si, soyons franc, ça serait plus édifiant.