Critiques

Émilie Payeur

Deadline

  • Kohlenstoff Records
  • 2016
  • 46 minutes
7

Émilie PayeurÉmilie Payeur est une compositrice de musique électroacoustique que l’on reconnaît d’abord par ses sonorités minimalistes et noise, deux esthétiques qui s’affrontent savamment dans ses créations. Son premier album, Table des matières (2012), puise ses inspirations dans l’art visuel, l’autre passion de Payeur, et transpose des concepts de la peinture abstraite à la matière sonore. Deadline, son deuxième album paru en avril dernier sur Kohlenstoff, conserve une part d’abstraction, mais cette fois-ci les contrastes sont étirés à des tensions plus grandes, et résulte en un album qui montrent davantage les dents.

L’album commence violemment avec Fun And Games, pièce abrasive montée sur du bruit pur et des échantillons trafiqués. Petite pause requise avant de passer à la deuxième piste. Deadline allège l’atmosphère en proposant une sonorité à mi-chemin entre un jeu Atari et un épisode de Goldorak, le sourire vient immédiatement. La mitraillette noise 8-bit détruit tout sur son passage jusqu’à ce que les oscillations ralentissent, deviennent reconnaissables pendant un moment, et repartent dans un orchestre de bruits formé d’impulsions stridentes et de bourdonnements.

La ligne téléphonique introduit Hotline de façon minimaliste, auquel s’ajoute très lentement quelques harmoniques sinusoïdales. À défaut de composer un numéro, le cadran tourne dans un sens et l’autre pour ajouter un léger rythme, et mène à une ligne engagée/battement de cœur qui se termine sur une harmonique/flatline. C’est superbe. Un échantillon vintage de l’annonce de la mort de Marilyn Monroe ouvre Kissing Hitler, et disparaît ensuite pour laisser place à des strates réverbérées et autres échantillons rétro. Le tout est monté en atmosphère d’asile abandonnée. À visiter.

Fumes reprend la forme minimaliste par une introduction très lente qui mène à un grésillement en boucle, le «LFO» lui donnant un air de grenouille. Une pause s’ensuit, et la montée reprend jusqu’à ce que les oscillations deviennent saturées et dissonantes. Tea And Turpentine descend dans les notes graves pour gronder comme un oscillateur d’outre-tombe. Les itérations noise reviennent à la charge à différentes vitesses d’oscillation pour finalement conclure sur un accord.

Deadline révèle certains extrêmes de la musique électroacoustique avec un mélange raffiné de bruits et d’ondes. On est proche de la matière première, c’est parfois cru et brutal, parfois lissé et planant, et c’est ce croisement qui fait la beauté de l’album. Ceci dit, les pistes noise n’ont aucune pitié pour l’oreille, et devrait porter la mention «do not try this at home».

Ma note: 7/10

Émilie Payeur
Deadline
Kohlenstoff Records
46 minutes

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