Emilie Kahn
Outro
- Secret City Records
- 2019
- 40 minutes
Peut-être est-ce parce que je lis présentement Océan Mer d’Alessandro Barrico que le nouvel album d’Emilie Kahn, Outro, sonne autant marin à mes oreilles. Mais dès qu’on jette un oeil au nom des pièces, on se dit qu’on n’en est pas loin: Swimmer, Island, Aquarium… Et même dans les paroles des autres pièces, le monde aquatique s’infiltre, alors qu’on nage au loin ou qu’on se noie dans l’eau salée de ses larmes. Mais le thème principal, comme pour tout album pop, c’est l’amour. Et Emilie Kahn réussit bien à faire de la pop.
Si on a souvent dessiné une harpe miniature dans les mains de cupidons, ici, la harpe d’Emilie Kahn se fait plus discrète que sur son premier album, Ten Thousand. Pour ce premier disque, l’artiste signait comme Emilie & Ogden, Ogden étant sa harpe. Maintenant, Emilie s’assume sous son propre nom, seule. La harpe n’a pas pour autant disparu, mais elle se fait moins présente: elle n’est plus la deuxième partie du duo, mais un instrument parmi tant d’autres. Elle ajoute parfois un brin de fantaisie, comme sur Swimmer. Parfois, elle joue plutôt à l’absente, comme sur Three. Ou comme ligne mélodique première sur Never Good Enough. La pop de Outro se veut plus sucrée, moins épique ou féérique. Et le pari est réussi.
Bien entourée, Emilie Kahn travaille avec des musiciennes de talent comme Laurie Torres, Valérie Lacombe and Megan Miller et s’est acoquiné à la réalisation de Warren C. Spicer (Plants and Animals). Si on s’ennuie du côté « pas propre » insufflé par Jesse MacCormarck qui réalisait 10 000, on ne peut que souligner une réalisation réussie et dans l’air du temps ici.
Les paroles liées au thème amoureux sont parfois convenues. L’amour est parfois voulu, tantôt déchirant, tantôt source de travail, mais surtout douloureux, comme dans Don’t:
« All night and every night
You stay up and cry
While I say sorry all night. »
– Don’t
Mais heureusement, Emilie Kahn ne tombe jamais dans le pathos. Prenons Will You. La mélodie est plutôt joyeuse tandis que les paroles plongent vers les profondeurs:
« The world is a hollow place
And I am just an empty shell
Might as well loosen my grip
If we are all going to hell. »
– Will You
Prises sans la musique, les paroles sombrent dans le cliché, mais avec la livraison de la voix aiguë et fine d’Emilie Kahn, elles sont plutôt mélodiques et ajoute au succès de la pièce.
Dans Aquarium, Kahn se fait touchante avec une balade pop conventionnelle. C’est qu’elle livre bien, la musicienne. Elle transmet l’émotion dans sa voix, y va d’arrangements justes, pas trop beurrés, pas trop léchés non plus. Elle évite la plupart des écueils et va chercher la lumière où il le faut.
Les pièces ont pour la plupart le potentiel d’être remixées pour devenir des tubes de pistes de danse. L’album s’écoute pour le plaisir de la pop, le plaisir de la voix féminine et sensuelle, des mélodies accrocheuses. Un bon deuxième album, en somme.