Critiques

Émile Bilodeau

Petite nature

  • Bravo Musique
  • 2021
  • 45 minutes
7

Émile Bilodeau fait paraître son troisième album en carrière, Petite nature. Écrit entièrement en pandémie, ça se ressent parfois : l’album est plus posé, plus doux que ce à quoi l’artiste nous a habitués jusqu’à maintenant.

Petite nature ne révolutionnera pas l’industrie du disque ni l’univers musical d’Émile Bilodeau. Il ne sort pas trop de ses propres sentiers battus. La vraie question qui se pose ici est : est-ce nécessaire de le faire pour avoir un bon album? C’est un débat. Parce qu’honnêtement, à mon avis, l’album d’Émile Bilodeau est bon, même s’il est plutôt convenu.

Ses fans seront satisfaits. On y retrouve des pièces qui bougent, des textes contestataires, des chansons plus acoustiques qui mettent de l’avant ses talents de musicien en plus de quelques jeux de mots ici et là. C’est la recette qu’il utilise depuis cinq ans, depuis son album Rites de passage. La différence majeure avec cette offrande, c’est que les thèmes sont un peu plus matures qu’avant.

Quiconque connaît minimalement Émile Bilodeau sait à quel point il s’implique politiquement. Il dénonce des injustices depuis ses débuts (et même parfois à la télé, quitte à s’attirer les foudres), mais ses sujets se sont précisés depuis. On passe de J’en ai plein mon cass (2016) qui décriait de manière aléatoire toutes les injustices du monde en même temps, ou encore Freddie Mercury (2019) qui dénonçait la peur de la différence, à une pièce comme Je me souviens qui aborde de front le racisme systématique avec des exemples concrets.

Je me souviens très bien
Du meurtre de l’Afro-Américain
Couché à terre qui faisait rien
Avec un genou dans nuque
Pendant quasiment 10 minutes
Étouffé par un blanc
Un grand flic de pute
Criss, on sait ben
Le racisme va encore plus loin

Je me souviens

Sa chanson Cowgirl, faite en collaboration avec Sara Dufour, est également un bel exemple de ce qu’Émile Bilodeau fait de mieux : une chanson-histoire contestataire qui bouge. Non seulement cette chanson promet de beaux moments en spectacle, mais elle porte aussi un message féministe. La pièce met en scène la fille d’un agriculteur, personnifiée par Sara Dufour dans le personnage d’une cowgirl indépendante et forte, qui n’a pas besoin d’un homme pour décider de son destin. Quelle bonne idée d’y être allé avec cette artiste ! Sa voix rauque et écorchée se prête très bien au personnage de la pièce.

Or, une chanson rate un peu la cible. Il s’agit de 1000 agneaux millénariaux. Après plusieurs écoutes, je ne suis toujours pas sûr si Émile Bilodeau s’en sert pour se moquer des millénariaux avec un langage de complotiste boomer ou s’il aimait juste la sonorité de 1000 agneaux millénariaux qui sonnent assez similaire quand on le dit vite. Bref, passons.

Émile Bilodeau est sans conteste un bon guitariste. Cet album contient un peu plus de petites ballades guitare-voix. Je me souviens, citée ci-haut, SQDC, Ours polaire et Petite nature en sont de bons exemples. Elles n’ont évidemment pas toutes le même style, mais elles mettent quand même de l’avant le talent du jeune auteur-compositeur-interprète. Mention spéciale à Petite nature, d’une durée de six minutes, qui met en lumière un Émile Bilodeau un peu découragé, mais qui garde somme toute espoir.

Émile Bilodeau a intégré deux collaborations dans Petite nature : Johannie Tremblay (Chassepareil) sur Souffleuse et Sara Dufour sur Cowgirl. Les deux collaborations, bien qu’à l’opposé, sont vraiment de belles additions. Johannie Tremblay est toujours aussi excellente. Sa voix, rassurante dans toute sa douceur, vient donner le ton à cette pièce de rupture qu’est Souffleuse. C’est simplement décevant que cette pièce un peu country finisse sur une chute humoristique. Elle abordait pourtant si bien la peine d’amour et la tentative de rester amis après une longue relation amoureuse. « J’ai jamais voulu t’empêcher d’être heureuse », chante Émile Bilodeau à Johannie Tremblay, qui lui répond alors « tu aurais dû y penser avant d’attaquer mon chum avec ta souffleuse »… Ce n’était pas nécessaire, selon moi.

Petite nature regroupe ce à quoi nous a habitué Émile Bilodeau jusqu’à maintenant : des jeux de mots, des textes d’actualité, de l’énergie et des moments doux, des chansons d’amour un peu rigolotes et de futures chansons à chanter très fort en spectacle.

Crédit photo: Mathieu Dionne

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