Ellemetue
Les crucifiés figuratifs
- Bravo Musique
- 2022
- 32 minutes
Le 25 février paraissait le nouvel album intitulé Les crucifiés figuratifs de l’étonnant duo Ellemetue, mariant le rock de Mingo l’Indien (Les Georges Leningrad) et la poésie alternative de l’artiste multidisciplinaire Nunu Métal. Réfugié au fin fond de Sainte-Lucie-des-Laurentides, le groupe nous a pondu un long format qui transgresse toutes les barrières du genre musical. Le passé rock garage de Mingo l’Indien joue certainement un rôle dans la trame de l’album, mais le groupe use d’une grande liberté en touchant au punk, à l’électro, au jazz, à la musique expérimentale, à la poésie et au bruitage. Avec l’aide de vin, de haschich et de siestes, Ellemetue opère une traversée à la fois juste et surréelle du monde numérique. On reconnaît des airs de Lou Reed, mais c’est surtout l’influence de la fusion entre la poésie underground, le rock de Lucien Francoeur et de son groupe Aut’Chose qui saute aux yeux. Avec Les crucifiés figuratifs, chaque chanson, qui peut durer entre 30 secondes et 4 minutes, est un ensemble de mini tableaux aussi divertissant les uns que les autres, exhibant la « nouvelle religion du digital ».
La poésie de Nunu Métal puise à travers un langage propre à la jeune génération, jumelant le franglais, le joual et les références à la culture pop. Un brin débridé, cru, absurde et résolument queer, Nunu dresse un portrait satirique d’une époque marquée par l’éclatement des rapports sociaux:
Quand j’tiens mon cellulaire à bout de bras
J’fais la baboune contente ou pas
J’me place exprès pour qu’y m’manquent pas
Voici le portrait de ma génération
– Veux-tu que j’te dise quèqu’chose
Une poétique également aux relents d’une contre-culture inspirée de Denis Vanier et de Josée Hivon coincée quelque part dans les vestiges des réseaux sociaux. L’album regorge de pépites littéraires qui appartiennent au langage des ruelles de Montréal:
J’m’habille en slack mais j’suis tightée à bloc
Marche-moé sur les pieds tête de linotte
Tu vas voir ça pince plus qu’une pichenotte
J’ai pas peur de cracher
De mettre le feu aux portes
– J’irradie par mon absence
Il y a quelque chose de très attachant dans la façon dont tout ça est construit. Le mixage fait main crée parfois un chevauchement de la musique instrumentale au-dessus de la voix poétique de Nunu Métal. Si le déséquilibre sonore peut confondre notre compréhension des textes, c’est justifié par le caractère DIY de l’album, symbole créatif du duo. Le duo transite vers des traits musicaux davantage punk rock et accrocheur que sur leur précédent album, en laissant tomber les enveloppes sonores vaporeuses pour mieux basculer vers des ambiances dynamisées par des couches de rythmes et de bruitages. Chose certaine, avec Les crucifiés figuratifs, le duo Ellemetue n’a pas fini d’entretenir leur marginalité si précieuse. Le plaisir qu’ont eu nos deux musiciens à créer cette folie musicale se transmet jusque dans nos oreilles. Et c’est tout ce qui compte finalement.