Fans de Deftones, réjouissez-vous! Nous venons de traverser la plus longue période entre deux albums de notre groupe fétiche, soit 4 ans et 11 mois. Je me souviens très clairement écouter Ohms en étant confiné dans mon appart. Heureusement, les temps changent, mettons.

Outre la fin de la pandémie, que s’est-il passé pendant cette période? Le groupe de Sacramento semble aujourd’hui être sur toutes les lèvres. J’ai une préado qui va bientôt commencer le secondaire et j’écoute régulièrement des films d’horreur avec mes deux gamins, mais je n’ai jamais pris un aussi gros coup de vieux que lorsque la fille de ma copine m’a annoncé qu’elle allait voir Deftones au Centre Bell avec ses ami.es. C’est en jasant avec elle et en faisant quelques recherches de hashtags que je me suis aperçu de l’immense regain de popularité de Chino et de sa bande. Un seul mot pour expliquer le phénomène : TikTok. C’est difficilement compréhensible pour les plus vieux d’entre nous, mais la plateforme du diable est un peu l’équivalent contemporain de MusiquePlus et MTV. La seule différence étant bien sûr un auditoire instantané de plusieurs centaines de millions de gamins. Le meilleur là-dedans? Tout ça est arrivé bien malgré eux et ils n’ont pas eu besoin de se ridiculiser en faisant des danses malaisantes pour devenir une tendance immense sur la plateforme. Je ne sais pas pour vous, mais perso je trouve que c’est une excellente nouvelle que le groupe transcende finalement les générations.

Et qu’en est-il de la musique de Deftones en 2025? Est-ce que le groupe rend ses fans mal à l’aise en essayant d’avoir l’air cool auprès d’un auditoire plus jeune que leurs propres enfants? Pas le moins du monde et l’assaut commence dès la toute première mesure de my mind is a mountain, alors qu’Abe Cunningham, Stephen Carpenter et le nouveau bassiste Fred Sablan (vu chez Marilyn Manson avant le #metoo) se prennent pour Meshuggah, avant que Chino Moreno vienne calmer le jeu avec son chant si familier et que le rythme coule de manière moins violente. C’est une chanson qui coche toutes les cases de ce à quoi ressemble une chanson de Deftones dans la tête d’un auditeur un brin néophyte. Je dois admettre que je n’ai pas été instantanément séduit par le choix d’extrait, mais que je comprends pourquoi il a été choisi. C’était aussi le cas pour l’album précédent: j’ai trouvé le reste de l’album très supérieur aux choix de simples.

En ce sens, locked club nous rassure déjà et s’avère être un solide grower dans lequel Chino fait du semi spoken word, pendant que Stephen nous bombarde de tones de guitares aussi pesants que clairs comme de l’eau de roche, gracieuseté du travail de production sans faille du seul et unique Nick Raskulinecz. Ce dernier effectue son grand retour auprès de la bande (il a auparavant travaillé sur deux albums chéris par les amateurs, soit Diamond Eyes et Koi No Yokan).

Un premier coup de cœur instantané se pointe le but du nez sous la forme de ecdysis qui nous offre le riff qui se rapproche le plus de l’époque Adrenaline, non sans nous préparer avec une excellente intro de Frank Delgado et Fred Sablan (donc claviers et basse). Un premier refrain qui vous collera au cerveau comme du beurre de peanut au palais. Il y en aura d’autres, oh oui!
D’ailleurs, pas besoin d’attendre longtemps, puisque la chanson suivante est un hit instantané qui sera fort probablement le 3e extrait. infinite source aborde la mort en présentant la vie comme une scène. Il n’en fallait pas plus pour que Reddit s’enflamme. Je vous le donne en mille : beaucoup de fans très intenses pensent que ce sera le dernier album du groupe uniquement en raison du texte de cette chanson. Ils sont peut-être un peu rapides sur l’interprétation, puisque le groupe n’a pas sonné si vivant depuis longtemps.

Aussi, la mort est un thème récurrent tout au long de l’album, de même que l’espace, l’air, l’eau et le feu. Globalement, c’est à la fois, brutal, ésotérique et romantique à souhait, et je crois que c’est précisément ce qui attire les kids d’aujourd’hui. Le shoegaze metal est-il le nouveau emo? Il est trop tôt pour se prononcer, mais ça semble être le cas. Revenons à nos moutons. souvenir et cXz sont de purs brûlots Deftones–esques et i think about you all the time s’impose comme la suite de Sextape (Diamond Eyes), soit, une balade dangereusement influencée par les Smashing Pumpkins. Menoum!

milk of the madonna fait aussi penser à la chanson Bodies de la bande à Billy Corgan. Contrairement au premier extrait, celle-là était un excellent choix de single et c’est incontestablement l’une des pièces les plus remarquables de l’album.

Par contre, le clou du spectacle, c’est clairement le trio final. Les gars nous ont déjà fait le coup de sacrer les meilleures pièces d’un album à la fin (voir Combat et Kimdracula sur Saturday Night Wrist), mais là, c’est juste indéniable. cut hands nous présente un Chino un brin enragé qui semble se remettre au rap sans la moindre ironie avant de nous balancer le refrain le plus directement aimable de l’album, tandis que metal dream coule comme si elle était la deuxième partie de cette même chanson. C’est un duo qui semble inséparable dès la première écoute.

Tout ça nous mène directement à la grande finale. La pièce departing the body est tout simplement grandiose et s’inscrit dans la lignée des conclusions d’album de Deftones les plus réussies. Quand Chino chante dans l’intro, j’ai cru avoir affaire à un chanteur invité. Il n’utilise que très rarement un registre aussi bas. Chanson spectaculaire, pour faire court.

Je n’ai absolument rien de négatif à dire sur le grand retour de Deftones. Même la pochette se classe parmi leurs plus réussies. Je n’ai pas écouté cet album, je l’ai mangé en pleine gueule. Après 30 ans de carrière, le groupe arrive encore à surpasser mes attentes.
Deftones, c’est comme la coriandre. On aime ou on déteste avec passion. Pas d’entre-deux. Je fais évidemment partie de la première catégorie et le groupe prêche à un converti, bien sûr. À moins d’une immense surprise, ce sera assurément mon album de l’année.