Critiques

Deftones

Ohms

  • Reprise Records
  • 2020
  • 46 minutes
8,5
Le meilleur de lca

Je me souviens exactement du moment où j’ai entendu la musique des Deftones pour la première fois. C’était à la St-Jean-Baptiste 1997, j’avais 15 ans et j’étais gelé comme Tommy Chong qui fait du pouce dans le désert. Je suis entré immédiatement en transe en portant attention au riff pesant et répétitif de Bored. J’ai aussi vécu un coup de foudre pour la voix de Chino Moreno qui savait être douce et sulfureuse par moments, mais qui pouvait aussi grimper très rapidement dans les rideaux de mon âme et exprimer une colère qui correspondait exactement à ce que je recherchais en matière d’intensité à cette époque. Certains diront que je recherche encore le même type d’énergie plus de deux décennies plus tard et ils n’auront pas totalement tort.

En somme, je suis très attentif aux Deftones depuis le siècle dernier. Around the Fur jouait à tue-tête dans la voiture de mon pote Simon en revenant des funérailles de ma mère. White Pony me rappelle le jour de mon déménagement sur la rue Frontenac à Montréal. Saturday Night Wrist tournait en boucle pendant que je m’habillais pour mon party de graduation de l’Université et j’ai écouté Koi No Yokan en revenant de la soirée où j’ai le plus ri de ma vie. J’ai même pleuré à chaudes larmes quand le bassiste Chi Cheng est décédé en 2013. Il y a de ces groupes qui vous suivent toute votre vie et la formation de Sacramento (en Californie) est définitivement dans mon top 5 personnel. C’est un band rock qui s’abreuve autant dans le métal le plus agressif que dans le trip-hop le plus sensuel. C’est un groupe qui a été surnommé le Radiohead du métal par la presse anglaise en raison de son côté exploratoire et sa proposition plus cérébrale que celle de 99% de leurs contemporains Nü-Metal, à qui ils seront toujours associés à tort. Ces cinq gars-là sont les architectes d’un son que personne n’arrivera jamais à imiter. Je suis clairement biaisé quand j’en parle, mais si ça peut juste te donner le goût d’en écouter en lisant ceci, ce sera toujours ça de gagné.

Sans passer par quatre chemins, je dirais qu’Ohms est clairement un incontournable dans la discographie du groupe. Je pense que c’est en grande partie à cause du retour de Terry Date à la production. Le producteur de Pantera, White Zombie et Overkill (pour n’en nommer que quelques-uns) sait tirer le meilleur de la bande à Chino et c’est la première fois qu’il collabore avec le groupe depuis l’album éponyme et les sessions avortées d’Eros (l’album en chantier qui a été abandonné abruptement suite à l’accident de voiture de Chi). Son travail vise toujours dans le mille et le son est toujours parfaitement équilibré entre lourd et aérien. L’autre grande vedette de la galette est Frank Delgado. Embauché à titre de membre officiel du groupe à l’époque de White Pony, le DJ devenu claviériste ajoute des petites touches subtiles à la musique du groupe depuis leur tout premier album. On remarque habituellement très peu sa présence parce qu’il est le maître des sons ambiants et des subtilités que l’on ne décèle qu’en écoutant les albums avec des écouteurs. Enfin bref, Frank et ses synthés sont beaucoup plus à l’avant-plan sur Ohms que sur tous les disques précédents et c’est une excellente nouvelle. Parmi les nouveautés sonores, Chino explore beaucoup plus les harmonies et ses textures vocales font toujours mouche. Le guitariste bougon Stephen Carpenter est beaucoup plus investi que sur le mal-aimé Gore (2016), Abe Cunningham est toujours un véritable feu roulant à la batterie et Sergio Vega (le bassiste de Quicksand) prouve une fois de plus qu’il est à sa place au sein de la formation. Il suffit d’entendre la ligne de basse qui ouvre Radiant City pour s’en convaincre.

Comme d’habitude, il y a matière à y retourner maintes et maintes fois avant de tout piger. Par contre, je recommanderais clairement Ohms à quelqu’un qui ne connaît pas du tout la musique du groupe. C’est un concentré de tout ce que les gars savent faire de mieux. On y retrouve des pièces heavy vraiment bien foutues (This Link is Dead, Genesis), des refrains à la Cure/Depeche Mode irrésistibles (Urantia, Headless) et des expérimentations chargées très intéressantes (Pompeji, The Spell of Mathematics). C’est un disque qui réussit à être à la fois dense et attirant enregistré par un groupe qui résiste merveilleusement bien au passage du temps. Aucun doute que ce nouvel album va demeurer pour moi le marqueur temporel principal de cette année extrêmement étrange. Comme je le disais plus tôt, il y a de ces groupes qui vous suivent toute votre vie.

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