D'Angelo And The Vanguard
Black Messiah
- RCA Records
- 2015
- 56 minutes
Quatorze ans. C’est ce qu’on appelle prendre son temps. Voilà quatorze ans que D’Angelo a lancé Voodoo, un album qui avait chamboulé le monde du R&B, amenant une voix nouvelle et audacieuse. Celui-ci a ouvert la porte pour les Frank Ocean de ce monde. Que s’est-il passé pendant ces quatorze années? Vivant de moins en moins bien avec la performance en public, celui-ci s’est retiré chez lui en Virginie. Des troubles d’alcool, de drogues ainsi que des démêlés avec la justice pour avoir conduit avec les facultés affaiblies et pour avoir sollicité les services sexuels d’une policière ont occupé la majorité du temps entre Voodoo et Black Messiah. Par contre, D’Angelo a aussi pris ce temps pour faire une cure de désintoxication et apprendre à jouer la guitare qu’il gratte maintenant à merveille.
Cela nous transporte au 15 décembre dernier. Alors que les gens étaient occupés à faire les emplettes de Noël et que les amateurs de musique avaient les globes oculaires tournés vers les tops 2014, D’Angelo a poussé pour faire paraître l’album en plein tumulte aux USA. Les décisions controversées dans les cas de la ville de Ferguson et celui d’Eric Garner ont laissé la population américaine déchirée et D’Angelo voulait rajouter sa voix au mix.
Et on le remercie amplement. Black Messiah est un digne successeur à Voodoo et D’Angelo montre que s’il avait perdu le contrôle à l’un ou l’autre des moments de sa vie, il tient maintenant fermement le volant. Les pièces qui composent l’album surprennent par leur intelligence, leur densité, mais surtout par leur audace et leur créativité. Le tout est couvert par une fine couche d’expérimentation parfaite, comme la crème fraîche qu’on rajoute au potage.
Que ce soit avec la groovy Sugah Daddy à laquelle Q-Tip a participé en tant que parolier ou encore l’entraînante, mais champ gauche, The Charade, à laquelle ?uestlove participe, D’Angelo évite tous les faux pas, reste accessible tout en poussant plus loin le genre. D’ailleurs, la participation de Kendra Foster n’est pas étrangère au succès de Black Messiah. Celle qui a travaillé avec George Clinton appose sa griffe sur huit des douze tubes
Mais qu’en est-il de la séduction sur ce nouvel effort? Car après tout, le R&B est le style sexy par excellence. D’Angelo saupoudre la galette de «love», mais parfois la sensualité se fait plus concentrée, comme c’est le cas sur Really Love, pièce parfaite pour pratiquer des activités «d’adultes». On voit quand même l’influence qu’un Channel Orange peut avoir eu sur le vétéran. Prayer rappelle les guitares de John Mayer sur le dernier album de Frank Ocean. Un tout petit rappel. Utilisé avec intelligence sur une pièce intoxicante. Comme quoi, D’Angelo prouve qu’il est tout sauf dépassé. La rythmée Back To The Future achèvera les derniers sceptiques avec ses rythmes syncopés et sa basse généreuse.
D’Angelo ne fait jamais paraître un album en vain. Ses trois albums en vingt ans en témoignent. Black Messiah est une oeuvre forte, phare, qui encore une fois réinvente le style de musique le plus sensuel qui soit. Pendant que le froid envahit les rues, c’est un parfait remède à la froideur ambiante.
Ma note: 9/10
D’Angelo And The Vanguard
Black Messiah
RCA Records
56 minutes
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