Dan San
Suite
- Grand Salon
- 2024
- 24 minutes
Si la scène québécoise regorge à n’en plus finir de projets d’auteurs-compositeurs-interprètes folk rock, ce sont plutôt les groupes indie pop qui ont la cote en Belgique (du moins, au sud du pays). Dur de se faire un nom actuellement, même si, d’un point de vue personnel, deux formations wallonnes ont toujours eu un cran d’avance sur leurs compétiteurs : Girls in Hawaii et Dan San. Cette dernière nous est revenue au printemps avec Suite, quatrième album en carrière, moins de 12 mois après la parution de son Grand Salon. Sérésien de naissance, je me permettrai quelques références à cette si belle région liégeoise, industrielle et vivante, d’où proviennent les membres de Dan San.
Il s’était écoulé sept ans entre les parutions des deux albums précédents Suite. Évidemment, quand on connaît les efforts déployés par la formation pour rendre chaque fois un produit concret et homogène, il ne peut qu’en résulter un album beaucoup moins long (24 petites minutes, à la limite de la durée d’un EP). Ce n’est pas grave, Suite se tient et chacune des huit chansons satisfait (à des degrés différents, évidemment).
L’entrée en matière, avec All About You, est belle et pétillante, quoiqu’un peu convenue. Dan San mise une fois de plus dans Suite sur une formule pop, rappelant dans une certaine mesure des instants légers de Close to Paradise de Patrick Watson, et des refrains accrocheurs et efficaces. Worried s’inspire de sonorités asiatiques, alors que Heart of Gold reprend les codes du vieux folk en intégrant notamment des lignes d’harmonica (petit hommage au Neil national?). Intéressant!
L’enchaînement de You Love Me, Hook et Love Me Better est génial et représente sans aucun doute le meilleur segment de l’album. Les titres se promènent de mélodies lumineuses à la Pharrell Williams à des lignes mélancoliques à la guitare. Après presque 20 ans à œuvrer dans Dan San, Jérôme Magnée et Thomas Médard, les principaux contributeurs de la formation, démontrent une fois plus qu’ils savent brillamment exploiter les différentes avenues de la pop indie. Les deux dernières chansons sont agréables à l’écoute, mais moins marquantes que le reste du projet.
Et en revenant à Liège, alors, qu’est-ce que Suite m’évoque concrètement? You Love Me donne envie de grimper les escaliers de la montagne de Bueren en courant, Love Me Better s’écouterait à merveille sur une embarcation voguant sur cette Meuse tranquille, en regardant le soleil se coucher, par exemple, alors que les lignes d’Eventually réchauffent aussi bien le cœur qu’une Jupiler servie dans le Carré un soir de novembre. Encore? Get Over You pourrait motiver le Standarman à aller voir son équipe à Sclessin semaine après semaine malgré les derniers résultats catastrophiques du club, la mélancolie de Hook se transmettrait à merveille en regardant de loin les usines désaffectées de Cockerill, fortes de leur passé industriel, et Worried aurait le pouvoir de contrer le blues d’un ciel si bas et si gris qu’un canal s’est pendu (elle vient de Grand Jacques, celle-là).
Je vous avais avertis que j’allais lâcher des références! Tant pis si vous ne les comprenez pas. Si j’ai pu faire voyager une poignée de Belges expatriés à travers mon papier, c’est que le devoir est accompli.
Suite n’est pas comparable aux trois autres albums de Dan San : il dure drastiquement moins longtemps, et sera forcément moins marquant que ses prédécesseurs. Cette nouvelle parution joue pourtant parfaitement son rôle : un album sans la prétention d’un si attendu Grand Salon, qui s’écoute comme un bonbon de printemps.