Cyberaktif est un groupe industriel qui a fait une brève apparition en 1990 avec deux simples (Temper et Nothing Stays) et un album intitulé Tenebrae Vision (1991). Il fait partie d’un des multiples projets parallèles nés de la scène industrielle de la côte ouest-canadienne, formée à l’époque des membres cEvin Key et Dwayne Goettel (1964-1995) de Skinny Puppy, ainsi que Bill Leeb de Front Line Assembly. Pour se faire une idée de la sonorité cette année-là, SP travaillait sur Too Dark Park, et FLA sur Caustic Grip. Le mélange des deux a fait ressortir des rythmes EBM légèrement plus lents, gonflées par des séquences monophoniques et décorés avec des échantillons de films rétro. La présence vocale de Leeb n’avait évidemment rien à voir avec celle d’oGre, et c’est possiblement cette différence qui a fait en sorte que l’album s’est démarqué du lot, comme une rencontre improbable entre les deux groupes légendaires.

Personne ne s’attendait à ce que Cyberaktif revienne avec un deuxième album, eNdgame, trente-trois ans plus tard. Comme par miracle, cEvin Key est de retour avec ses séquences rythmiques irrésistibles, Bill Leeb avec ses paroles philosophiques et sa voix trafiquées, duo original pimpé en trio par nul autre que Rhys Fulber, membre de FLA aux arrangements et effets. Le titre ne fait peut-être pas de clin d’œil à un certain film de super héros, mais la fin officielle de SP qui a fait suite à leur tournée finale laisse un indice sur les thèmes qui sont abordés à travers les neuf pièces.

A Single Trace donne le ton en partant d’un thème rétrofuturiste à la Blade Runner, comme une trame de Vangelis recyclée en hymne rave postapocalyptique. L’inspiration fait un lien rétro, presque nostalgique, mais la qualité du traitement sonore et de la production révèle bel et bien quarante ans d’expérience et un son ‘au goût du jour’. Après un petit frisson de retrouvailles, on monte le volume rendu à Locked Away, qui nous amène faire un tour en lightcycle sur le territoire cyberpunk du projet avec son moule techno, sur lequel le trio construit une piste de course sonore. Bitter End impose une pause en changeant complètement de direction avec son thème bondissant de conte sombre, Leeb déclamant raisonnablement bien, même si on sent un peu l’effet de pièce orpheline de SP.

New World Awaits défibrille l’album avec densité et saturation, en prenant soin d’intégrer une palette sonore atari-esque sur laquelle Leeb se désincarne à travers les effets. You Don’t Need to See semble faire un clin d’œil rythmique à Assimilate, lui ouvrant les portes de la piste de danse tel un classique revisité. Leeb passe à l’allemand bien vocodé sur In Deinen Träumen, mini référence à Blixa Bargeld qui avait prêté sa voix sur une pièce de l’album précédent.

The Fright ralentit le tempo à un niveau de balade électropop, une deuxième pause bien placée à travers toute cette énergie. Broken Through Time sonne comme une combinaison de la batterie de Dig It avec la ligne de synthés échos de Last Call, un excellent hybride. Leeb suit la cadence en découpant les syllabes jusqu’au refrain, plus aérien et planant. Splot conclut en s’éparpillant rythmiquement, et s’étire mélodiquement en trame ambiante sombre.

eNdgame se termine et la première impression en est une de satisfaction de retrouver de vieux amis qui trippent ensemble, sans prétention. Le thème ajoute un sens de conclusion à une époque qui va du EBM à la techno industrielle, marqué par les deux groupes. Avec ce retour, on peut dire qu’on a la chance d’entendre de la musique de SP avec les arrangements, effets et voix de FLA, ce qui en soi fait vraiment plaisir. Avec le recul, on constate que le genre n’a pas eu à évoluer tant que ça, parce qu’au final, tel un hymne punk, l’hymne industriel se renouvelle tel un nouveau quart de travail à l’usine ou au front.