Critiques

The Afghan Whigs

The Afghan Whigs – In Spades

  • Sub Pop Records
  • 2017
  • 36 minutes
8
Le meilleur de lca

Dans ma trilogie bien personnelle des songwriters qui broient du noir, mais avec classe, on retrouve bien sûr Nick Cave, il y a aussi Mark Lanegan (et le petit nouveau, Gargoyle, le prouve une nouvelle fois) ainsi que Greg Dulli, meneur incontesté des Afghan Whigs; l’un des groupes parmi les plus mésestimés des années 90. Avec trois excellents disques à leur actif, Congregation, Gentlemen et Black Love, les Whigs n’ont jamais obtenu le rayonnement escompté.

En 2014, après 16 ans d’absence, Dulli ramenait à la vie sa formation avec un Do To The Beast en dent-de-scie sur lequel on notait l’absence du guitariste Rick McCollum. Le son nerveux et les riffs coupés/atypiques de l’instrumentiste ont manqué cruellement à cette sitedemo.cauction, aseptisant ainsi les chansons « plaies ouvertes » de Dulli. Vendredi dernier paraissait le 8e album du groupe originaire de Cincinnati, Ohio. Non, Rick McCollum n’est pas de retour, mais le bon vieux John Curley (basse), proche ami de Dulli, est toujours présent.

Enregistré majoritairement à La Nouvelle-Orléans, The Afghan Whigs nous propose In Spades sur lequel on retrouve, à ma grande surprise, le soul inspiré de l’album Black Love ainsi que le puissant rock qui caractérisait à l’époque les albums Congregation et Gentlemen. Sans atteindre les hauts standards de ces trois créations, ce disque vient se hisser juste en deçà de ces références, et ce, même si on s’ennuie encore un peu du jeu saccadé de McCollum.

Greg Dulli a écrit d’excellentes chansons (et j’insiste, ce sont d’excellentes chansons) que l’on en vient à oublier rapidement l’absence de l’instrumentiste. Fidèle à son habitude, Dulli se positionne comme le salaud de service à qui on finit par tout pardonner. Et le bellâtre et charismatique chanteur interprète ses pièces comme si sa vie en dépendait… et c’est probablement le cas. La voix du bonhomme n’a jamais été aussi juste, puissante et limpide. Mélodiquement, Dulli se surpasse. Impossible de ne pas avoir à perpétuité en tête le refrain de The Spell.

Ça donne un disque passionné pour ne pas dire passionnel, où l’auteur évoque de nouveau la douleur de la perte, la blessure issue de la séparation entre deux êtres qui s’aiment, mais aussi la violence insidieuse qui s’installe et les accusations malsaines qui s’ensuivent. Dulli est le meilleur pour évoquer avec une véracité qui fait peur la déchéance amoureuse et la dépendance sexuelle. Dans l’enrobage rock distingué que présentent depuis toujours les Whigs, ça marche complètement. In Spades est donc un disque aussi sauvage que raffiné. Peu de groupes sont en mesure d’osciller avec pertinence entre ces deux pôles dissemblables. Bref, voilà LE vrai retour sur disque des Afghan Whigs.

Vous serez remué par le rock dansant gonflé à l’hélium titré Arabian Heights, par la prenante Toy Automatic, par le crescendo orchestral menant à la conclusion d’Oriole (à faire pleurer le plus insensible des hommes !), par la très « Going To Town » (un petit bijou paru sur Black Love) intitulée Light As A Feather, par la valse frémissante I Got Lost. Tout ce magma de suppliciés se termine en apothéose avec la sublime Into The Floor.

Les vétérans qui les ont adulés dans les années 90 (j’en fais partie) seront ravis, mais soyez sans crainte, ce n’est pas un disque de pépère nostalgique. À l’écoute d’In Spades, n’importe quel mélomane un tant soit peu qualifié sera en mesure de reconnaître que les Whigs ne sonnent comme personne. Un grand groupe qui va enfin chercher son dû. Tant mieux.

Ma note: 8/10

The Afghan Whigs
In Spades
Sub Pop
36 minutes

https://theafghanwhigs.com/