Critiques

Choses Sauvages

Choses Sauvages II

  • Audiogram
  • 2021
  • 58 minutes
7

On pourrait presque y voir un manifeste pour réclamer le retour de la danse dans les bars du Québec… Trois ans après un premier album qui mélangeait adroitement funk et indie rock, la formation Choses Sauvages rapplique avec un deuxième volume qui plonge tête première dans le disco, l’électro-funk et le new wave. C’est touffu, un peu longuet, mais on ne peut s’empêcher de se laisser happer par le groove.

Composé du chanteur-bassiste Félix Bélisle, du guitariste Marc-Antoine Barbier, du guitariste-claviériste Thierry Malépart, du claviériste Tommy Bélisle et du batteur Philippe Gauthier Boudreau (le bassiste Charles Primeau complète le groupe sur scène), Choses Sauvages roule sa bosse sur la scène musicale montréalaise depuis un bout et s’est bâti une solide réputation pour ses prestations déjantées. Dans un sens, il est tout à fait approprié que ce deuxième album du quintette paraisse alors que les spectacles reprennent peu à peu dans la province, après 18 mois de pandémie. En effet, c’est comme s’il avait été conçu expressément pour nous faire bouger jusqu’aux petites heures, à grands renfort de jams et de rythmes disco futuristes.

Intitulée tout simplement Choses Sauvages II, cette nouvelle offrande se présente en surface comme la suite logique du volet précédent. Sauf que la réalité est un peu plus complexe. Ainsi, le groupe évacue ici son côté plus rock et fait le pari d’une musique ouvertement ancrée dans les années 70 et 80, avec des clins d’œil à Kraftwerk (sur Homme-machine), aux Talking Heads (sur Araignée, dont le jeu de guitare n’est pas sans rappeler le classique Remain in Light) ou à la légende Giorgio Moroder (entre autres sur Château de fantômes, à la rythmique joyeusement syncopée).

La plus grande qualité de ce Choses Sauvages II est son refus de se laisser enfermer dans une case, de se plier aux conventions de la musique pop formatée pour la radio. Ainsi, la formation n’hésite pas à déployer de longues séquences instrumentales qui servent avant tout à hypnotiser l’auditeur de par la seule force du beat ou le pouvoir de la répétition. Ça donne des chansons souvent longues, dont plusieurs franchissent les cinq minutes. À elle seule, l’épique Face D fait plus de huit minutes et s’achève en un délire cosmico-expérimental qui risque de frapper fort sur scène.

Choses Sauvages II se veut aussi un peu plus recherché que le volume précédent sur le plan des sonorités. Équipé d’une armée de synthétiseurs, du rudimentaire Casio au MOOG en passant par divers modèles Roland, le groupe fait montre d’un bel éventail de textures qui permettent de jouer sur différents registres, du disco funky jusqu’au space-lounge psychédélique. L’intégration de dialogues tirés d’un vieux disque de relaxation québécois contribue aussi au côté « ésotérique » de l’affaire.

La première moitié de l’album est plus homogène sur le plan des rythmiques, ce qui peut entraîner une certaine lassitude à mi-parcours, malgré l’énergie contagieuse de titres comme Conseil solaire, peut-être ma préférée d’entre toutes, avec ses guitares saturées de wah-wah et son chant vaporeux évoquant un peu le style de Corridor. La deuxième partie est davantage diversifiée, entre autres grâce à l’ondulante Colosse, en duo avec Laurence-Anne, une des rares pièces un peu plus down tempo.

L’accent n’est clairement pas mis sur les paroles, et on se surprend à oublier parfois leur présence. C’est dommage parce que le groupe aborde quand même des thèmes intéressants, comme le climat toxique sur les réseaux sociaux (Dimensions). Bref, ce deuxième album de Choses Sauvages remplit assurément les promesses du premier volume. Un peu d’élagage n’aurait pas nui, mais ça reste une offrande qui s’apprécie par son pouvoir hypnotique et sa volonté de créer une bulle de groove.