Critiques

Caribou

Suddenly

  • Merge Records
  • 2020
  • 44 minutes
8
Le meilleur de lca

Suite au succès de Our Love, paru en 2014, Dan Snaith, a.k.a Caribou, a voulu rapprocher ses chansons de sa vie personnelle. Au milieu du train-train familial, bousculé par la naissance de sa deuxième fille, mais aussi par la maladie et le décès de proches, il s’est contraint à un travail quotidien de création. Pas moins de 900 idées de chansons ont ainsi émergé. Avec l’aide de sa femme et de Kieran Hebden, plus connu sous le nom de Four Tet, Dan Snaith a réussi à distiller de cette masse incroyable de compositions les douze pièces qui constituent Suddenly.

À l’image du contexte qui l’a vu naître, cet album en est un de continuités et de ruptures. En fait, Caribou fait partie de ces rares musiciens qui semblent capables de se renouveler à chaque album : IDM, krautrock, sunshine pop, électro psychédélique font tous partie de la palette sonore explorée sur ses précédents opus.

Une grande constante au milieu de tous ces retournements est l’espace de plus en plus grand qu’il a accordé à la voix. Presque absente de ses créations du début des années 2000, elle est d’une importance capitale dans les envolées électro-pop de Our Love. Suddenly continue sur cette lancée. Le chant de Snaith y est plus assumé, les arrangements, souvent plus dépouillés, laissent davantage d’espace aux mélodies.

Au cœur de la plupart des compositions de Suddenly, on ne retrouve pas seulement la voix de Dan Snaith. À partir du refrain de You and I, la deuxième pièce de l’album, des échantillons vocaux méticuleusement découpés ponctuent presque chaque pièce de l’album. Ce travail de récupération vocal devient le moteur rythmique de Sunny’s Time, New Jade, de l’excellente Home, qui reprend des mélodies de Gloria Barnes, et ainsi de suite sur Never Come Back, Like I Loved You, Ravi.

Dans cette continuité se cache ainsi une rupture. En effet, le travail d’échantillonnage ne s’arrête pas à la voix : piano sur Sunny’s Time, harpe sur New Jade, cuivres, batterie, guitare, orgue et cordes sur Home, etc. Cela vient en grande partie remplacer les motifs rythmiques et les montées de synthétiseurs caractéristiques des deux précédents albums de Caribou.

Ce choix d’arrangement, Caribou l’aurait fait en partie en opposition à l’omniprésence actuelle des synthétiseurs en musique électronique, une tendance qu’il a paradoxalement lui-même contribué à imposer. En même temps, cela sert admirablement bien le propos du musicien en contribuant à créer des atmosphères plus intimes, qui reflètent bien un propos qui se veut plus près du chanteur, davantage ancré dans sa réalité quotidienne, avec tous les chamboulements que cela peut parfois représenter.

En effet, Suddenly est une œuvre de chambardements et de surprises. L’album traverse des atmosphères variées. D’une profonde tristesse sur Sister, il passe par des moments de mélancolie aux sonorités 1980 sur You and I, à un RnB entraînant sur Home, et des rythmes house non moins intenses sur Never Come Back et Ravi. Sans oublier plusieurs moments d’apaisements qui culminent dans la très belle Cloud Song qui conclut l’album.

Suddenly s’avère ainsi un album diversifié, qui s’éparpille un peu par moment, mais qui se rattrape bien en proposant un mélange de mélodies et de rythmes redoutables, des arrangements d’un grand raffinement, voire quelques moments de grâce.