Calendes, c’est le nouveau projet de Fred Labrie. Il s’est allié avec son ami Jean-Thomas Boulianne après la sortie d’un deuxième effort solo qui le dégoûte de l’industrie musicale. Ils s’associent ensemble afin de faire de la musique « sans compromis. » L’aventure, qui commence par quelques soirées-jams autour d’une bière, se transforme rapidement en un album : Grand Manège, disque paru en janvier dernier.

Les gars de Calendes savent ce qu’ils font : leurs longues études en musique peuvent le certifier. Mais plus que leurs expériences musicales mises ensemble, ils savent comment mettre sur pied un projet intéressant qui se défend très bien. Certes, Grand manège ne réinvente pas la (grande) roue, mais il offre une expérience d’écoute agréable.

L’album est une succession de moments plus rock, plus énergiques et de pièces plus douces. Il s’ouvre sur un solo très surprenant de la part de Labrie dans la pièce Demain, qui met franchement la table pour les neuf pièces à venir. La voix de Boulianne peut surprendre, différente de ce à quoi on peut s’attendre suite à ce genre de solo, mais elle trouve rapidement sa place dans nos oreilles. Et comme c’est son premier effort vocal, on laisse la chance au coureur.

Les trois premières pièces, dont deux sont chantées avec Labrie, donnent de l’énergie à l’album. D’un pied de nez aux gens condescendants en passant par leur constat vis-à-vis l’industrie de la musique, Grand manège permet aux musiciens de lever une soupape qu’on sentait sur le point d’exploser. Une certaine urgence se dégage de ces pièces, notamment par les accords qui ne sont que plaqués sur La Revanche.

Tu as beau briller de tes effets spéciaux
Sache que bientôt j’inverserai les coups et les rôles
J’ai une grande soif de démolir les murs
Arrête de faire semblant que tout est encore sous ton contrôle
Je crie et je plonge
Je crie et je fonce
Je crie et tu tombes

– La Revanche

Il faut attendre St-Laurent, pièce d’une langueur surprenante, après 112, pour reprendre son souffle avant de se lancer dans La vie est bien trop belle sans toi. La pièce aborde la fin d’une relation toxique, et les guitares semblent rire de la personne toxique laissée en plan. Une fois de plus, on voit que les gars maîtrisent leurs instruments.

On ne peut pas passer sous silence La Fièvre, pièce qui tente de mettre en musique le sentiment physique d’être fiévreux. C’est réussi. La voix de Jean-Thomas Boulianne sonne effectivement fiévreuse, les guitares l’enterrent presque dans les refrains. Le côté psychédélique de la pièce rend bien le sentiment un peu chaotique de la maladie. Puis, une trêve. Fred Labrie vient offrir une pause à la pièce, tout en douceur, avant d’être rattrapé par les guitares, qui semblent affamées. Elles ne laisseront plus d’autre répit au pauvre Jean-Thomas Boulianne, qui ne peut qu’abdiquer.

L’album se conclut sur Ouragans, qui, à la première écoute, peut détonner un peu avec ce qui a été offert jusqu’à maintenant. Elle offre pourtant une fenêtre sur ce que Labrie fait de mieux : la petite ballade émotive, anxieuse, dont le texte, d’une poésie incontestable, prend toute la place, soutenue uniquement par un jeu de guitare tout en retenue qui amène une très belle dimension à la pièce.

Les écrans aspirent et je les expire
Entre deux souffles de panique
Il faudrait qu’on me raconte une histoire
Que quelqu’un s’assoie en banlieue de moi
Devoir réapprendre le bruit des arbres
Enseignez-moi la poésie des bancs de parc
Mettre le bass drum au ralenti
Mais les jours roulent en excès de vitesse
Dans le quadrillage de l’île de Montréal

– Ouragans

Bref, si la musique de Calendes ne sort pas des sentiers battus, Grand Manège un premier effort intéressant qui laisse présager le meilleur. Et si on en croit au plaisir qu’ont eu les deux amis à jouer ensemble, ça ne saurait tarder…!