Bon Enfant
Demande Spéciale
- Duprince
- 2024
- 41 minutes
Après deux albums de rock bien reçus par le public et la critique, Bon Enfant est revenu le 15 octobre dernier avec Demande Spéciale un album qui tranche un peu avec le son que le groupe avait commencé à bâtir. Nous ayant habitués à des constructions de chansons avec des accents épiques et une charge de textures, le groupe opte ici pour plus de simplicité et décide de laisser davantage respirer les instruments. Le résultat? Un album peut-être un peu moins grandiloquent, mais qui sonne particulièrement vrai.
Cette approche plus concise confère, en effet, à l’album une légèreté qui permet d’explorer des textures sonores subtiles sans sacrifier l’intensité émotionnelle. Les premières pistes, comme Trompe-l’œil et Demande spéciale, installent immédiatement cette idée d’une simplicité maîtrisée, où les mélodies s’invitent dans un cadre plus ouvert, presque minimaliste. Loin de sombrer dans la monotonie, le groupe joue avec les silences, les ruptures et l’usage dosé des effets. Ces choix viennent d’ailleurs appuyer les propos des chansons résolument plus tournées vers l’autoréflexion.
Je me tourne vers mes souvenirs
C’est loin d’être parfait
On fait le tour assez vite
Des limites de mon portrait
Avec des titres comme Sous-marine et Oiseau rare, Bon Enfant affine encore davantage sa recherche de textures épurées. La voix de Daphné Brissette, plus détachée, se pose sur des nappes instrumentales mémorables dès la première écoute. Mention spéciale à Oiseau rare, un verre d’oreille qui sera clairement un must des spectacles.
Passion rock vient créer un moment de chaos hypnotique en milieu d’album avec une instrumentation et une expression des textes qui rappellent le rock psychédélique des 70’s à la Aut’Chose. Une expérience payante faisant de la pièce un des moments forts de l’album. Cela est d’autant plus vrai que la suite du disque cherche à capter des moments plus fragiles et fugaces, comme dans Enfant de l’air, piste instrumentale très Harmonium-esque ou Bouquet, où les arrangements viennent soutenir des mélodies presque country. Il y a une forme de beauté dans la simplicité de ces pièces, un équilibre juste entre une production soignée et une absence de fioritures inutiles. Chaque chanson semble un instant suspendu dans l’air, une émotion captée au vol.
S’en suit Aire de plastique, clairement la pièce la plus accrocheuse du disque avec son rythme dansant et ses guitares à la Nile Rodgers. Une belle réflexion sur le fait de ne pas trop s’en faire devant les éléments plus sombres de la vie et sur le pouvoir de la musique dans ce contexte.
Du haut de mes trente ans
Je ne sais pas ce qui m’attend
J’enfile ma chemise métallique
Et mes bas fluorescents
Assise longtemps sans rien faire
À r’garder tomber la poussière
Je rêve de corps et de chaleur
D’énergie frénétique
Cette réflexion sur le fait de garder espoir se maintient jusqu’à la fin du disque. L’album se conclut avec Décollage, et avec cette pièce particulièrement aérienne, Bon Enfant semble vouloir ouvrir une porte vers l’avenir. Cette pièce particulièrement courte et onirique nous laisse sur un sentiment résolument positif.
Bref, Demande spéciale est un album qui se déploie sur plusieurs niveaux. Il nous invite à abandonner la notion de spectaculaire pour aller chercher quelque chose de plus fluide, de plus intime, qui prend racine dans la subtilité des arrangements et des émotions à fleur de peau. Une quête d’authenticité qui, même dans sa simplicité apparente, n’en est pas moins marquante.