Black Rebel Motorcycle Club
Wrong Creatures
- BMG / Vagrant Records
- 2018
- 59 minutes
Au début des années 2000, la déferlante garage-rock frappait de plein fouet les boîtes de nuit et bars, dits « underground », de l’Amérique du Nord. Tous ces groupes dont l’appellation débutait par « The » – les Strokes, Hives, Von Bondies, White Stripes et autres rénovateurs de ce genre musical né au beau milieu des années 60 – assaillaient les palmarès des radios universitaires. À l’époque, même les White Stripes célébraient un succès inespéré que l’on peut entendre encore aujourd’hui dans un aréna près de chez vous : Seven Nation Army.
Parmi tous ces groupes, dont plusieurs font de gros dodos dans le cimetière des « trois petits tours et puis s’en vont », il y a Black Rebel Motorcycle Club qui persiste et signe. Après un début de carrière aussi explosif que pertinent grâce aux albums Take Them On, On Your Own (2003) et le sublime Howl (2005), le déclin habituel, et si prévisible pour la plupart des créateurs rock, s’est amorcé. De Baby 81 (2007) jusqu’à Specter at the Feast (2013), le groupe s’est quelque peu vautré dans un rock plus rassembleur, forcément moins intéressant, du moins pour mes oreilles.
Le 12 janvier dernier, après 5 ans d’absence, Peter Hayes, Robert Levon Been et Leah Shapiro reprenaient du service avec le lancement de leur 8e album studio : Wrong Creatures. Enregistré à Los Angeles sous la férule de Nick Launey (Nick Cave & the Bad Seeds, Arcade Fire, etc.), le trio nous propose un album cathartique. Après la tournée de l’album Specter at the Feast, les trois membres de la formation ont sombré dans une sorte de phase dépressive et mélancolique. Faire du rock dans ce monde exigeant et hyperactif, ça exige beaucoup de ténacité…
Pour être honnête avec vous, je ne m’attendais pas à grand-chose de la part de BRMC. Eh bien, à ma grande surprise, le groupe renoue à certains moments avec la fougue des débuts (Little Thing Gone Wild et Carried from the Start), tout en ralentissant le rythme, assez pour ressentir tout le désespoir vécu par Hayes, Been et Shapiro. Certaines pièces, par leur langueur et mélancolie assumées, viennent provoquer frissons et stupeur à la fois. Car le BRMC furieusement garage et psychédélique n’est plus. Certains le déploreront, mais en ce qui me concerne, ce virage « adulte » me plaît.
Les Californiens se rapprochent significativement de ce qu’un groupe comme Black Angels peut créer… en moins enthousiasmant, il va sans dire. Ils ajoutent aussi à leur palette sonore quelques ascendants sonores issus du post-rock. La conclusive All Rise est assez éloquente en ce sens. Parmi les autres pièces significatives à mettre dans vos conduits auditifs, le refrain frémissant et fédérateur (sans être racoleur) dans Calling Them All Away est une réussite mélodique. Par contre, on aurait pu se passer de l’inutile Circus Bazooko; un non-sens dans un disque somme toute cohérent.
Voilà un petit sursaut d’énergie étonnant pour cette formation, malgré l’inévitable décroissance qui afflige une vaste majorité de groupes rock après quelques productions. Bon disque. Pas exceptionnel, mais bon disque malgré tout.