Bernhari
Île Jesus
- Audiogram
- 2016
- 44 minutes
Si le mélomane amateur écoute Île Jésus d’une oreille distraite, il a de fortes chances de croire qu’il écoute le nouveau Jimmy Hunt plutôt que le tout dernier de Bernhari. S’en dégage la même sensualité, la même nonchalance, mais avec une voix plus douce, moins nasillarde.
Deux ans après un premier disque homonyme, Bernhari revient avec une proposition nettement plus électro et pop, un virage réussi. Exit la militance post-grève étudiante, bonjour les tourments d’amour. L’album est né après une rupture, alors qu’Alexandre Bernhari surfait encore sur les promesses du projet solo et le succès critique. Pendant qu’il accompagnait des danseurs et danseuses à l’Université Concordia au piano et à la batterie en même temps (sa spécialité, à voir sur scène absolument), il a testé ses mélodies sur leur corps, leurs réactions influençant la composition.
Île Jésus est donc un album de mélancolie et de beauté, de quête de sens et de blessures. Et ça donne envie de faire l’amour. Ou c’est juste le printemps.
La sensuelle Je pense à toi ravit avec sa ligne de basse qui donne envie de voir un lent déhanché devant soi. «La nuit/Je rêve encore à toi/Pardonne-moi si c’est indécent/Saint-Antoine ne m’aidera pas/À te retrouver cette fois/Je pense à toi».
Toujours, toujours dégage une rage de vivre et une tourmente magnifique: «Même si la mort nous suit/Toujours/Même si la nuit s’étend tout autour». Bernhari vouvoie dans cette chanson la mort, il nous fait danser avec elle.
Le duo avec Stéphanie Lapointe, Emmène-moi, est d’une langueur délicieuse: «Emmène-moi chez toi/ce soir».
Marie Blanche et Marie Noire, ces esprits qu’on s’amusait à invoquer, enfants, viennent hanter la pièce La nébuleuse, où les guitares électriques ont la belle part.
La chanson Laniakea (les yeux) sert de pivot avec le premier album où le personnage de Kryuchkova s’insinuait dans toutes les chansons, femme magnétique. «Mais ce soir/Je veux y croire/J’ai vu l’amour dans tes yeux». Si les paroles sonnent un brin convenues sans musique, la globalité de la chanson fonctionne et donne vraiment envie d’aimer à nouveau.
La pièce titre, Île Jésus, présente une ritournelle de piano qui rappelle les disques de relaxation, un solo de guitare un brin «cheezy», le tout dans une esthétique ironique délicieuse.
Deux interludes instrumentales intitulées Royalement et Royalement II ajoutent à la dramatisation de l’album.
Dans Les années 10, «Quand les larmes se déclenchent/Je ferme les yeux/Et je fixe le noir» se transforme en «Quand les larmes se déclenchent/Tu fermes les yeux/Et tu fixes le noir».
Bernhari réussit un disque remarquable, qui se découvre différemment à chaque écoute. L’équilibre entre tourments d’amour et espoir est trouvé, celui entre paroles et musique aussi.
Ma note: 8/10
Bernhari
Île Jésus
Audiogram
44 minutes
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