Critiques

house music

Bell Orchestre

House Music

  • Erased Tapes
  • 2021
  • 44 minutes
8
Le meilleur de lca

Douze ans… C’est le temps qu’ont mis les membres du Bell Orchestre à lancer un nouvel album. Bien sûr, avec des musiciens impliqués dans plusieurs projets (et dont certains mènent en plus une carrière solo), pas facile de réunir tout le monde au même endroit, pandémie ou pas. Mais l’attente en valait la peine, avec ce House Music qui explore la musique dans ce qu’elle a de plus naturel, de plus primaire.

On pourrait croire que le titre de l’album se veut un clin d’œil humoristique de la part d’un groupe associé à la mouvance post-rock qui donne davantage dans la musique de chambre que dans celle des boîtes de nuit, mettons. Mais non, le titre House Music est véritablement à prendre au pied de la lettre puisque le disque a été enregistré dans la maison de la violoniste Sarah Neufeld (Arcade Fire) au Vermont, étonnamment avant la pandémie, comme si la formation avait anticipé le concept de bulle.

House Music est donc le résultat de deux semaines de sessions d’enregistrement ayant réuni Neufeld, le contrebassiste Richard Reed Parry (Arcade Fire), le corniste Pietro Amato (the Luyas), le guitariste Michael Feuerstack (Wooden Stars, Snailhouse), le trompettiste Kaveh Nabatian et le batteur Stefan Schneider (Jorane, Amon Tobin). Au final, la bande s’est retrouvée avec une longue improvisation d’une heure et demie, qu’elle a ensuite ramenée à une durée de 45 minutes grâce à un travail d’assemblage des bandes, un procédé rappelant celui utilisé par Miles Davis (et son réalisateur Teo Macero) sur les albums Bitches Brew (1970) et Jack Johnson (1971).

L’album s’écoute d’une traite, comme une seule longue pièce que le groupe a divisée en dix parties qui se distinguent les unes des autres par des changements de textures ou d’instrumentation. L’essentiel de la structure de base repose sur un motif court et rapide de contrebasse qui revient constamment à la manière d’un leitmotiv, et sur lequel se superposent diverses couches instrumentales d’une grande richesse et qui exploitent les différentes couleurs orchestrales de la formation. Le travail sur le plan de la batterie et des percussions est particulièrement impressionnant, et témoigne d’un désir d’installer une esthétique primaire, presque tribale dans son expression, et qui s’éloigne de l’adjectif « néo-classique » qu’on a déjà accolé au groupe.

S’il est parfois difficile de distinguer les transitions d’une section à l’autre, les divers chapitres se classent en deux camps : ceux qui semblent avoir été complètement improvisés (ou presque) et ceux qui révèlent un certain travail en amont sur le plan des arrangements et des mélodies. Dans le premier groupe, on retiendra l’excellente Dark Steel (troisième mouvement du cycle), portée par une ligne de violon qu’on croirait sortie d’un reel folklorique, tandis que les percussions se déchaînent. Dans la deuxième catégorie, les chapitres les plus réussis s’avèrent Movement, en milieu de cycle, et Colour Fields, pièce qui marque une transition vers la fin de l’album avec son intro plus douce, débouchant sur de très belles orchestrations de cuivres.

House Music constitue une plongée fascinante dans le processus créatif d’un groupe qui n’a jamais rien fait comme les autres. Associé par défaut à la mouvance post-rock, les membres du Bell Orchestre ont toujours préféré la retenue à la démesure et aux puissants crescendos, et c’est peut-être pourquoi ils ont toujours évolué dans l’ombre d’autres groupes. Leurs deux albums précédents ont également eu le malheur d’être éclipsés dans l’espace médiatique par un disque d’Arcade Fire : Recording a Tape the Colour of the Light est sorti en 2005, peu après Funeral, tandis qu’As Seen Through Windows a été lancé en 2009, soit un an avant le tourbillon The Suburbs.

En attendant que la rumeur d’un nouvel album d’Arcade Fire se confirme, le moment est propice pour finalement apprécier le Bell Orchestre à sa juste valeur.

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