Critiques

Bad Waitress

No Taste

  • Royal Mountain Records
  • 2021
  • 28 minutes
7

Formé en 2018, Bad Waitress est un groupe punk résident de Toronto qui réunit Katelyne Molgard (voix, guitare), Kali-Ann Butala (voix, guitare), Nicole Cain (basse) et Eva Moon (batterie). Afin de se joindre à une formation pleinement féminine, Butala a dû quitter son lieu de naissance, les Territoires du Nord-Ouest, pour s’installer dans la métropole canadienne. Ainsi, elle a pu rencontrer Moon et Molgard. En 2014, le trio a mis sur pied la formation The Nude Dogs et, quatre ans plus tard, ce même trio s’est adjoint les services de la bassiste Nicole Cain. Bad Waitress était né.

Le quatuor s’est mis à bosser rapidement, lançant un EP assez décapant : Party Bangers, Volume 1 (2018). Trois ans plus tard, Bad Waitress est de retour avec un premier long format intitulé No Taste. Katelyne Molgard déclarait ceci à Exclaim au sujet de cette première production : «Nous ne courons certainement pas le risque d’être catégorisés avec cet album, car il met de l’avant tous nos talents, individuellement parlant (traduction libre)».

Dès les premières écoutes, les amateurs de punk rock aux accents grunge identifieront d’emblée les influences qui définissent le son de la formation : L7, Yeah Yeah Yeahs, Babes in Toyland, en tête de liste. Pour ce qui est de l’unicité de la proposition, il y a un peu de chemin à parcourir pour Bad Waitress

Si les cinq premières chansons de ce No Tatse dessuintent agréablement les oreilles, tout en empruntant des chemins étonnamment sinueux, Bad Waitress ralentit quelque peu la cadence avec Manners — un clin d’œil à la formation Le Butcherettes —, tout en conservant une bonne dose de lourdeur. Cette chanson sert de transition à une deuxième moitié d’album plus mélodique et introspective qui ne souffre en aucun cas d’un déficit de pertinence. Kali-Ann Butala est d’une efficacité mélodique redoutable dans l’émouvante Delusion of Grandeur — pièce portant sur le mépris qu’affiche les politiciens à l’endroit de la classe ouvrière — ainsi que dans Restless Body.

Sans que ce soit une création totalement originale, on décèle chez Bad Waitress un désir de s’engager dans des chemins de traverse assez intéressants. La cassure rythmique et la performance percussive dans 12 Years Old sont des indices flagrants de cette envie de repousser les limites. En revanche, les tentatives timidement éparpillées tout au long de l’opus ne nous semblent pas assez assumées.

Parmi les bons coups de ce No Taste, on note l’entrée en matière Rabbit Hole ; une plongée dans des guitares distordues aux allures post-punk. Strawberry Milkshake se distingue par des guitares criardes évoquant un raid aérien en temps de guerre. Live In Reverse fait penser au Wolf Alice de l’album Visions of a Life (2017) sans que ce soit un pastiche. Toutes ces chansons sont livrées dans les règles de l’art avec un subtil mélange d’autodérision et de conviction sentie.

Ceux qui avaient été conquis par le EP pourraient être désarçonnés par la sophistication de la réalisation de ce No Taste ; un disque qui met en valeur les grandes possibilités techniques et créatives de ces instrumentistes de talent.

Bad Waitress est un groupe prometteur qui n’a tout simplement pas encore exploité tout son potentiel.

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