Critiques

Vulture Prince

Arooj Aftab

Vulture Prince

  • New Amsterdam
  • 2021
  • 47 minutes
8,5
Le meilleur de lca

Arooj Aftab signe avec Vulture Prince l’une des plus belles surprises de cette année. La musicienne de Brooklyn, née à Lahore au Pakistan, nous offre ici son deuxième album, et c’est celui qui la mènera sans aucun doute vers la gloire.

Depuis le début de sa carrière, qui fait suite à des études musicales à Berklee, Aftab tente de réconcilier les différents aspects de sa vie dans ses compositions. Ses origines, la douleur de voir le traitement des immigrants par les grandes puissances internationales et sa nouvelle vie occidentale se côtoient dans tout ce qu’elle fait. Sur cet opus, elle se concentre toutefois sur un thème plus précis : celui du deuil. C’est que durant la conceptualisation de Vulture Prince est survenu le décès de son frère. L’album lui est dédicacé et Arooj Aftab nous y chante donc sa douleur dans un cadre déconcertant de douceur et d’une paisible nostalgie.

L’aspect onirique des chansons est amplifié par l’absence totale de percussions, exception faite de Last Night. C’est plutôt la harpe et la guitare qui rythment cet album, ajoutant encore un peu de douceur à l’ensemble. Les pièces semblent hors du temps et n’en deviennent que plus hypnotiques et mystérieuses. Sur Saans Lo, pièce la plus aboutie du lot, les subtiles inclusions électroniques sont somptueuses et la chanson semble tout droit sortie d’un rêve à moitié éveillé dans lequel on voudrait se replonger avec plaisir. On assiste à un véritable éloge du minimalisme en musique, alors que l’artiste et ses musiciens nous prouvent que la modération peut bel et bien avoir meilleur goût.

Moins profondément ancrée que sur ses précédentes sorties, la musique folklorique de l’Asie transparaît tout de même sur plusieurs aspects de cette rencontre entre deux mondes. Que ce soit par l’interprétation des chansons en ourdou, par l’apport des ghazals (des poèmes arabes sur l’amour) ou les références au soufisme, le dépaysement est bien présent. Arooj Aftab y jumelle toutefois son nouvel univers grâce à des instruments plus traditionnellement utilisés en Occident dans un cadre qui puise sa source autant la musique new age que le jazz. Le point culminant de cette rencontre est évidemment le simple Last Night, seule pièce chantée en anglais au sein d’une production reggae qui surprend autant qu’elle charme.

Au final, c’est ça que Vulture Prince nous propose : un voyage dans un espace qui n’existe pas vraiment. Un safe space envoûtant dans lequel vivre sa peine. Un endroit que l’on se plaît à revisiter régulièrement et qui promet de nous charmer à chaque fois.

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