Animal Collective
Tangerine Reef
- Domino Records
- 2018
- 53 minutes
Deux ans après l’album Painting With, la formation américaine Animal Collective est de retour avec Tangerine Reef, un délire audiovisuel conçu avec le duo de vidéastes Coral Morphologic pour célébrer l’Année internationale des récifs coralliens. Inutile de dire que le résultat est fort différent : pas de pop exubérante à la FloriDada (c’est à peine si on distingue des mélodies…), on est dans le TRÈS ambiant!
Il serait injuste de faire une critique de Tangerine Reef comme on le ferait pour un album « régulier » d’Animal Collective. De toute évidence, il s’agit d’un projet à part dans la discographie du groupe, conçu pour être écouté en même temps qu’un film documentaire montrant de vraies images de récifs coralliens. L’idée a pris naissance l’an dernier au Borscht Film Festival à Miami, où la formation a interprété quelques pièces sur des projections de Coral Morphologic. À l’origine, l’idée était d’en tirer un album live, mais les gars ont jugé le résultat inutilisable, en grande partie parce que les spectateurs parlaient trop pendant la performance (sérieusement…)
Tangerine Reef est donc devenu un album studio, qui réunit trois des quatre membres d’Animal Collective, soit David Portner (Avey Tare), Brian Weitz (Geologist) et Josh Dibb (Deakin). Si une telle situation n’est pas exceptionnelle (Deakin n’était pas sur le précédent Painting With, par exemple), c’est la première fois que Noah Lennox, alias Panda Bear, ne figure pas sur un disque du groupe qui n’est pas un EP. Son absence se remarque tout de suite, lui qui y est pour beaucoup dans la pop échevelée d’Animal Collective et ses harmonies vocales dignes des Beach Boys.
L’album, qui s’écoute comme une suite avec 13 pièces qui se fondent les unes dans les autres, oscille entre expérimentation électronique, bruitage et abstraction sonore, avec Avey Tare qui marmonne parfois des paroles. Le premier extrait Hair Cutter, paru en juillet, est peut-être ce qui se rapproche le plus d’une « chanson ». Mais là encore, c’est étirer la définition un peu, tellement la mélodie est déconstruite. Il y a aussi Airpipe (To a New Transition), sur laquelle plane une douce mélodie de sitar qui donne au morceau une personnalité à part dans ce magma vaporeux…
En fait, l’esthétique de Tangerine Reef se rapproche beaucoup plus de celle du dernier album solo d’Avey Tare, Eucalyptus, que de n’importe quel autre disque d’Animal Collective. On y retrouve en effet la même atmosphère enveloppante et ces mêmes sonorités sous-marines qui servent ici le propos avec justesse, bien entendu. Mais alors qu’Eucalyptus contenait quand même quelques moments forts pour nous sortir de ce climat hypnotique, Tangerine Reef se révèle beaucoup trop linéaire. Il y a non seulement des longueurs, mais il s’en dégage une impression d’ennui.
Bien sûr, l’album a plus de sens dans le contexte d’une trame sonore à ces images certes fascinantes de récifs coralliens, d’autant plus magnifiques qu’on sait qu’une bonne partie de ces structures sont aujourd’hui menacées par la pollution ou encore l’urbanisation du littoral. En fait, sans doute que Tangerine Reef aurait été plus pertinent dans le contexte d’une salle d’exposition, où les spectateurs auraient pu aller et venir à leur guise, en s’imprégnant de cette atmosphère particulière.
Un projet original, qu’on écoute une fois pour l’expérience, sans plus.