Angell & Crane
Angell & Crane
- For the Living and the Dead
- 2024
- 42 minutes
Avec la musique expérimentale, il est rare d’obtenir une trace discographique qui tienne la route au-delà de la performance scénique; une fois l’adrénaline et le momentum passés et que la distance s’est installée avec l’ambiance d’un concert.
Le batteur Tommy Crane est reconnu à Montréal même s’il partage son temps avec New York. On a pu l’entendre régulièrement à l’Ursa au côté de moult formations à tendance jazz et expérimentale mâtiné d’ambient avec Concurrence, David Binney, Unessential Oils, FYEAR, La Force et Martha Wainwright. On doit aussi à Crane une résidence mensuelle à l’Ursa nommée Tommy Crane’s Dance Music For All Occasions ainsi que l’organisation de l’excellent Montréal Anti-Jazz Police Festival.
Autre habitué de l’Ursa, Simon Angell est un guitariste que l’on connaît particulièrement avec le groupe Thus Owls et avec Patrick Watson, mais est aussi très actif au sein de la scène expérimentale. Il a actuellement une résidence mensuelle à la Librairie Résonance où il invite différents collaborateurs. Il avait sorti un album solo å (2010) fort recommandable.
Les deux musiciens travaillent ensemble depuis quelques années déjà et la chimie est bien présente et se bonifie avec le temps, livrant un mélange de jazz contemporain et de post-rock avec quelques claviers et boucles à saveur ambient.
Avec cet album, les deux musiciens ont su recentrer l’exercice en faisant une sélection drastique du contenu (40 heures d’enregistrement réduit à 40 minutes pour l’album) et en ayant retravaillé les morceaux pour que la structure reste solide en dehors de l’expérimentation. L’autre force est la durée contenue des morceaux où l’essentiel de la trame est conservé et expurgés des scories moins pertinentes de l’improvisation tout en se permettant des ajouts.
Il y a aussi la diversité des approches, que ce soit le choix des instruments ou le traitement des guitares qui donnent une identité distincte à chaque titre. Les collaborations avec la chanteuse Sarah Rossy et la saxophoniste Charlotte Greve sur quelques titres gardent l’intérêt en ajoutant une texture différente tout en conservant l’homogénéité du son.
Angell manie son instrument avec classe et si on retrouve des sons passés dans le tordeur avec des guitares exagérément distordues, des glitchs granulaires ou des effets de répétitions malmenées, la technique est maîtrisée et il ne cède jamais dans la facilité pour toujours servir le propos. Crane est là pour faire évoluer les titres et enrichir l’orchestration avec différents artifices toujours réfléchis et au service du titre.
Le titre Himalayan Dial-Up est un exemple du duo, très ambient et toujours organique. Il est dans le même esprit que l’album We’re All Improvisers Now (2022) de Tommy Crane où on retrouvait déjà Angell à la guitare.
Honguedo est un exemple de titre retravaillé où la batterie rejoint les claviers et Yellow Diamond capte l’interaction riche du duo tout en nous donnant le goût d’en entendre davantage. Sur 2000 Decades, une lente introduction est une ouverture à la méditation et permet de terminer l’album en douceur.
Le premier album homonyme de la formation Angell & Crane est une trace très probante de la musique du duo qui sait retranscrire la magie de leur performance en concert tout en y ajoutant un travail qui a su transcender la magie du duo . Un album qui donne envie de le réécouter.