Critiques

Aloïse Sauvage

Dévorantes

  • Initial
  • 2020
  • 34 minutes
4

La chanteuse de 27 ans qui a grandi à Seine-et-Marne publie un premier disque après avoir roulé sa bosse comme comédienne (120 battements par minute de Robin Campillo, Mal de pierres de Nicole Garcia), danseuse et après avoir exploré les arts circassiens. Dévorantes est issu de la même maison de disques (Initial Artists Services) qu’Eddy de Pretto (dont elle a fait les premières parties) et Clara Luciani sauf qu’on n’est pas du tout dans la même ligue, surtout au niveau de la qualité des textes et des ambiances.

Rap, pop et chanson, les trois composantes de sa musique, celle-ci influencée par Diam’s et co-réalisée avec le rappeur et compositeur Abraham Diallo, alias Tismé, et la fine fleur des producteurs de la scène urbaine française, sonnent comme du prémâché aligné aux saveurs du moment. Se disant artiste polymorphe à 360 degrés à l’instar de quelques-unes de ses influences (Leatitia Dosch, Irène Drésel et Regina Demina), elle avouait à M, un média de l’Hexagone, qu’elle écrit ses textes d’une traite comme une nécessité absolue, un cri dont elle détaille les émotions intérieures.

Sa voix passe difficilement la rampe sur ces beats de « producers » (Josh et Le Motif) ultra-convenus et synthétiques, sans visions, ni urgence. La formule est prévisible: beats reggaeton de Club Med récupérés (Mega Down), flows monocordes, voix faible et sans présence. On passe d’une angoisse à l’autre, d’un tourment à l’autre, les rimes et les mots se perdent dans cet éparpillement sonore numérique et calculé. À l’horizontale, toutefois, est sans contredit le rayon de lumière dans cette exaspérante noirceur. Sur un beat léger, ses mots passent superbement la rampe, tout comme sur Si on s’aime :

« Ha-ha,  notre vie va être belle

Ha-ha, allez viens je t’emmène ha-ha

T’auras plus de problème ha-ha ».

– Si on s’aime

Simple et drôlement efficace.

Le texte de Papa n’est pas sans rappeler Papaoutai de Stromae :  

« Alors on peut partir quand on décide, c’est quoi ce chaos qui se dessine puis nous décime

Je m’évertue à croire que tu vas oser

Revenir un jour enfin bien décidé

À balayer ce passé un peu sombre À m’enlacer fièrement et sans attente»

– Papa

À l’opposé des autres chansons dont le propos est à peine intelligible. Vocodeur et autotune à l’index, sa voix est souvent trafiquée, patent cas de paresse et de limites vocales ? En panne d’idées ? De créativité ? Avec un tel habillage sonore fait de gros rythmes sucrés, elle se donne des airs de chanteuse rap en avouant au passage vouloir sortir des codes musicaux et genrés ! Sur Dévorantes et ses onze titres, ça ne passe pas du tout, surtout avec ses gestuelles « street attitude »  empruntées et ce mimétisme rap dans ses clips qui sont complètement dépassés. Gros malaise.

Mentionnons quand même sa résidence aux Trans-Musicales de Rennes en décembre 2018 avec un show minimaliste, sans album sur le marché. Aloïse Sauvage fut aussi Révélation scène aux Victoires de la Musique en 2020 avec pour seule carte de visite un EP de quatre chansons sorties en 2019 dont la chanson Jimy qui se retrouve aussi sur Dévorantes. En 2018, elle confiait au référentiel magazine Les Inrocks : « Je suis dans cette génération qui se balade dans les playlists en ligne. Je n’ai pas de styles, je trifouille ». C’est vrai. Dévorantes n’a pas de style. Ou si peu.

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