Critiques

Alexandra Stréliski

Inscape

  • Secret City Records
  • 2018
  • 36 minutes
7,5

La pianiste montréalaise Alexandra Stréliski lançait il y a quelque temps son deuxième album intitulé Inscape. Celui-ci arrive 8 ans après son prédécesseur Pianoscope. Pourquoi? Stréliski n’a pas chômé se concentrant sur la musique sur commande que ce soit pour de la pub, de la musique de film et de théâtre. Si cette musique sur commande est une bonne façon d’apprendre à faire son métier, c’est aussi ça qui l’a mené vers la dépression.

Cette dépression a servi en quelque sorte de point de départ pour Inscape qu’on peut voir comme le voyage intérieur. Malgré cette thématique, les doigts de Stréliski, un peu comme ceux de Yann Tiersen, sont plus de genre à évoquer des images et des atmosphères de scènes de cinéma. Malgré ces thèmes plutôt noirs, la musique de la pianiste évite de sombrer dans l’abysse. Burnout Fugue tente par tous les moyens de se sauver de la morosité. Elle le fait à toute vitesse, à un rythme effréné, comme se lancer dans la danse quand on a le cœur en miette ou encore simplement la fuite quand l’anxiété nous pourchasse. C’est très efficace.

D’ailleurs, l’efficacité est une caractéristique très présente dans les compositions de Stréliski qui n’étire pas le propos plus qu’il n’en faut. Les pièces varient de 2 minutes 17 à 4 minutes 17. Elle ne passe pas par quatre chemins pour se rendre au point. On retrouve certains attributs des albums de Jean-Michel Blais dans son néo-classicisme, bien qu’elle est plus douée pour peindre des fresques alors que Blais nous peint des émotions qui souvent nous dépassent.

Plus tôt qui ouvre l’album n’est pas sans rappeler les rues touristiques désertées, les rares fois où cela arrive un mardi après-midi. Comme si tout le monde avait foutu le camp, alors que ce n’est simplement qu’une pause. Par la fenêtre de Théo rappelle les trames d’Amélie Poulain et leur charme indéniable. On y retrouve des trames qui évoquent la vielle animation 2D de Montréal au début des journées à Radio-Canada dans les années 90. Avec l’oiseau qui s’envole et suit le Canada de bord en bord. Le nouveau départ qui clôt l’album se fait un peu hésitant au début. Stréliski fait preuve de nuance dans son doigté et nous emmène tranquillement hors de la noirceur et vers un semblant d’espoir qui renaît. Mais on sent toute la fragilité qui habite toujours la compositrice alors qu’elle pianote les dernières notes d’Inscape.

C’est un album bien réussi pour Alexandra Stréliski qui nous ouvre un peu la porte de son jardin secret. C’est aussi un album idéal pour le néophyte en néo-classique, car ses trames sont accessibles, dénuées d’arrogance et prêtent à être savourée.