Critiques

Alexandra Lost

Alexandra Lost

  • Pantoum Records
  • 2020
  • 35 minutes
7,5

Alexandra Lost est le projet électro pop de la chanteuse et musicienne Jane Ehrhardt et du compositeur et réalisateur Simon Paradis, deux artistes de Québec actifs depuis plus de dix ans sur la scène folk rock canadienne. Le virage vers les synthétiseurs a commencé par Strange Game (2018) et Towers (2019), deux simples confirmant la sonorité inspirée du post-punk et du new wave. Le duo est revenu en mai dernier avec leur premier album éponyme, entouré de six musiciens et deux choristes, et propulsé par un savoir-faire indéniable pour la forme pop accrocheuse. On découvre un agencement efficace entre la légèreté de la bulle qui éclate au refrain et la balade introspective qui enveloppe comme de la brume.

Fleeting Dance rebondit sur une grosse basse analogique bien lourde, le rythme lent s’ajoute au poids ainsi que la guitare piquée et la trame aux cordes, qui mettent en place un thème particulièrement mélodique. L’ouverture passe à Ehrhardt en duo avec un orgue aux accords rythmés, façon Supertramp, qui évolue étonnement en ballade dream pop bien ficelée et atteint un autre niveau de satisfaction avec son refrain plutôt post-punk. L’interlude Yarrow ouvre sur des feux d’artifice et des applaudissements, laissant l’espace à un filament d’atmosphère synthétique et un violon qui reprennent ensemble leur souffle au début de Modern Feelings. Un roulement de tambours mène à une ligne de xylophone tout droit sortie d’une chanson thème de James Bond, soutenue par la basse et le piano électrique à la teinte funk. Ehrhardt prend place vocalement et mène le thème durant toute la pièce, à part peut-être pendant les deux solos de guitare. Trying 2 Grow calme le tempo et prend une forme de ballade R&B bien étoilé ponctuée d’éléments percussifs réverbérés. Le motif reste feutré jusqu’à ce que le refrain vienne saturer tout ça à mi-chemin, comme un point culminant qui repart en fondu vers le silence. La pièce redémarre sur un montage d’extraits sonores de public de spectacles qui conclut abruptement.

Molly prend la direction new wave sur un tempo accéléré, partant d’une ligne de basse électrique doublée par la guitare rythmique, et accompagnée d’une trame de fond scintillante. Ehrhardt reste au-dessus de la basse et des percussions, et Paradis vient la rejoindre en duo durant le refrain. A Good Thing continue avec son thème de ballade adulte contemporaine des années 80 développée également à partir du trio voix, basse et rythme. La guitare électrique fait évoluer le phrasé vers un nuage de brillants avant de retourner dans le motif de départ. June fait suite avec un kick, des claquements de doigts et une trame aux vents synthétiques, laissant Ehrhardt prendre les devants après la mise en place, pas mal jusqu’au solo de piano en deuxième moitié.

Un des extraits sonores de public de spectacles ouvre Blue Line brièvement, coupant vers un groove solidement établi par la basse électrique, qui se déroule en boucle sur un rythme déhanché. On sourit en pensant que la pièce parle de la ligne de métro bleue, et du fait que personne n’a les moyens de l’aimer à cause du nombre de fois qu’elle tombe en panne. La guitare piquée et la basse profonde ouvrent Cut & Paste sur un thème un peu plus sombre, gagnant en intensité rendue aux accords de piano. Le motif devient particulièrement dansant à mi-chemin avec le développement du groove en forme disco, avec les cordes glissant rythmiquement vers la finale triomphale. La ballade The Abyss (Personne ne sait) part d’une séquence arpégée et une boucle percussive qui deviennent complètement enveloppées par une épaisse trame synthétique. Ça se calme à mi-chemin, conservant seulement les percussions et un arpège ascendant, et laissant ensuite le piano reprendre la mélodie pendant que Ehrhardt et Paradis chantent en duo.

On remarque dès la première écoute qu’Alexandra Lost a relevé le défi de renouveler la forme électro-pop, en s’inspirant entre autres des courants post-punk et new wave. Les références esthétiques sont particulièrement réussies, au point de donner le goût de réécouter certains classiques de l’époque, de Blondie et Duran Duran pour ne nommer que ces deux divinités pop. Au-delà de l’inspiration, on remarque également une cohérence entre la musique et les textes, laissant une place de choix à la voix de Ehrhardt pour approfondir et consolider les thèmes, un peu comme une soliste jazz ou classique le ferait, mais avec un talent évident pour l’écriture de paroles et d’abstractions poétiques.  

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