Alex Nicol
All for Nada
- Michel Records
- 2020
- 28 minutes
Issu du projet soft rock aux accents électro, Hoan, qui sortit un EP intéressant en 2017, Alex Nicol fait officiellement cavalier seul depuis le 13 mars. Ceci avec un premier album chatoyant, intitulé All for Nada. En hommage à sa compagne de longue date et partenaire de création, Nada Temerinski.
Le genre de musique que le gars Nicol distille, aussi bonne soit-elle, est toujours difficile à définir. Mais pourquoi devrions-nous définir me direz-vous ?! Débat hautement philosophique s’il en est…
Dans sa musique, il y a essentiellement du folk, oui ! Mais un folk délicat, sucré, pas gouailleur et pinçant comme celui de Dylan ou des « southerners » qui chantent du nez. Un folk qui se prend la tête sur le sens de l’existence et qui cite Nietzche et Jung au détour d’une rime (ou d’un post Instagram).
Le Montréalais nous invite dans son univers singulier et feutré, il y chante d’une voix à la fois douce et pleine. La diction alanguie, mais précise qui invoque tout à la fois Simon & Garfunkel, Eliott Smith et Nick Drake, avec quelques inflexions du Britannique au strabisme légendaire, Thom Yorke.
L’écoute de ce disque nous donne l’impression de plonger dans une lente et une longue introspection onirique. Les huit chansons qui le composent sont comme une seul, il y flotte une langueur quasi hypnotique de transe tribale. Cette profondeur de champ que l’on perçoit n’est visiblement pas à un hasard, l’auteur-compositeur se confiait à cult mtl au mois de mars, et abordait justement sa vision du songwriting. Chanter l’amour et la beauté n’est pas son unique but.
Ce premier album solo s’inscrit dans la continuité de son travail avec Hoan. La façon de livrer la musique est très douce. Le couple basse batterie est par exemple toujours présent, mais assez sage, pas de grand break tonitruant ou de ligne de basse indomptable.
Mais attention, si All for Nada a une facette presque « concept album » (à la Berlin de Lou Reed) son auteur façonne des structures couplet-refrain pour le moins accrocheuses : le morceau d’ouverture, Two Times a Charm, illustre parfaitement cette dualité. Une construction très pop et entraînante, assurée par un couplet-refrain-pont, aux trois parties très mélodieuses, puis une ambiance douloureuse engendrée par des changements d’accords lugubres.
SurAnd I Wonder, le chanteur a le phrasé lancinant d’un malade qui exhale son dernier souffle, il est soutenu par des cordes léchées et un piano aux interventions concises. Ici aussi, le refrain tombe à point nommé.
Sur Bridge Back to Me, la batterie s’exprime un peu plus tout en restant feutrée. La basse prend une dimension importante avec un riff entêtant, comme aussi sur le titre Mirage, un peu plus enlevé, mais qui reste lent et interrogatif.
Levitate est une composition à l’ambiance angoissante. Elle utilise de longues notes tenues glaçantes et des réverbérations spéléologiques. Alex Nicol répète ceci sur Family Lines.
L’album se clôt avec, When You’r Blue, poussée par une très jolie partie de piano, à la foi intense et mélodieuse. Le chanteur y est accompagné d’une voix féminine (probablement sa sœur Marielle qui fait partie de son groupe de scène), les deux se lancent dans des crescendo aériens. Des cordes poignantes rejoignent le piano.
All for Nada est une belle œuvre. Chaque morceau révèle une considérable maîtrise de l’artiste. On pourra par contre reprocher à cet opus d’être trop égal. En choisissant un parti pris extrêmement tranché, tant du point de vue du style que des sujets traités, Nicol rend ce premier album assez peu accessible.
Non pas qu’il faille absolument faire de la musique dite « commerciale », mais All For Nada manque cruellement de variétés d’atmosphères et de rythmes. Chaque morceau est une balade mid-tempo douce et finement ciselée, alors vers la moitié du disque, l’ennui s’installe. Seul un intérêt pour la qualité technique musicale pure nous retient d’appuyer sur stop.