Un petit clin d’oeil à Oumf 2019
Eh oui, déjà la rentrée. Du moins pour la plupart. Le temps d’un battement de cils et le mois de juin est maintenant septembre. Ceci étant dit, peu importe sur quel pied on danse en ce passage vers l’automne, le festival OUMF, qui se déroulait du 5 au 7 septembre, a déferlé telle une vague de fraîcheur décompressante, et ce, même si la métropole vit quelques jours pluvieux.
Essayons d’être impartiaux. On pourrait parler de long en large de l’industrie de la musique au Québec et de la beauté qui en découle, c’est pourquoi de petits festivals comme celui-ci sont essentiels si l’on veut continuer à bien se nourrir le cerveau et pas juste à moitié. Avec l’effervescence du rap keb, la présence de Loud et de la grande famille de Joyride Records n’est plus à remettre en question. C’est plutôt tout ce qui se greffe autour qui retient l’attention dans le cas présent, soit des artistes comme Vendou, J.A.M, L’Amalgame et Willygram. S’ajoute à eux le groupe de Vince James et la chanteuse Claudia Bouvette qui, dans leur style bien à eux, font partie de ce bassin dans lequel on a envie de plonger.
Il y a une certaine fébrilité qui émane de ces lignes, surtout lorsque mes doigts en viennent à composer un article critique sur des artistes qui portent le flambeau de leur génération, génération qui s’avère également la mienne. C’est qu’il y a un bel hommage à faire sur ces derniers qui seront mentionnés plus amplement dans cet article, soit la rappeuse Naya Ali, le dynamique duo Kirouac & Kodak Ludo, le septuor éclectique O.G.B et pour finir, le trio Brown Family.
On ne fera pas spécialement mention de l’apport du public lors de leurs performances. C’est vrai, un festival gratuit en plein centre-ville, ça attire un peu monsieur et madame tout le monde. Au final, ça importe peu, alors que ceux qui ont découvert ces artistes cette semaine ne se sont pas trop mal homogénéisés à cette poignée de fervents amateurs qui se gavent de tout ce qui se fait en ce moment.
En mode hype avec Naya Ali
Parler de Naya Ali, ce n’est pas lui lancer de fleurs, encore moins lui faire une faveur. Ce serait inutile, puisque les graines qui germent de ses productions fleurissent à vue d’oeil depuis quelques mois. Puisqu’on cultive l’évidence, Naya Ali, qu’on a également vu à Osheaga cet été – solide performance malgré de légers problèmes techniques par ci par là – a de nouveau démontré un ultime calme et un contrôle assuré même devant un public un peu timide. Lors de sa prestation de vendredi, on l’a vu chanter comme si elle était en mission, fidèle à elle-même alors que son débit et sa gestation lui donnaient des airs d’un chien de garde prêt à foncer dès qu’il en a l’occasion.
Il n’y avait pourtant rien de bestial dans le trap qui s’agençait avec le rap anglo de la Montréalaise. C’est dire que la lourdeur des basses a bien complété ce hype mode de qualité, parce qu’au-delà d’avoir une belle énergie et de belles productions, Naya Ali prouve à chaque rencontre qu’elle sait comment revêtir l’étoffe qui lui permettra de se mesurer aux géants de son milieu pour ainsi devenir une véritable référence du hip-hop et ce, bien au-delà du seuil québécois.
Un punch doublement rafraîchissant avec Kirouac & Kodak Ludo
Peu importe ce qu’ils mettent dans leur punch musical, il est difficile de ne pas être euphorique à l’apparition de ces deux allumeurs de foule. C’est qu’il y a une joviale simplicité qui se dégage sur scène et qui se manifeste également dans les productions groovy de Kodak Ludo et le rap parlé du duo. Il y avait, tout comme lors du lancement de leur EP Summer Pack il y a quelques semaines, une incontestable envie de bouger qui se propageait dans l’air, énergie notamment dégagée par l’hyperactivité de Kirouac. Ce désir provient vraisemblablement de la complicité contagieuse des deux jeunes hommes qui ont utilisé la scène à plein escient pour faire planer le public sur la même vibe qu’eux. À chaque présence sur scène, on sent se raffermir cette facilité d’accès à leur musique, mais également à ces talentueux jeunes hommes auxquels la plupart des gens de notre âge peuvent s’y rattacher.
Leur style semble prêt à se lancer dans toutes directions pertinentes à leur évolution et c’est ce qui en fait la beauté sans prétention de leur musique. Certes, ils sont encore jeunes et c’est tant mieux, puisque ce qu’ils tiennent est encore brute et n’attend qu’à se faire polir davantage. En invitant des membres de la grande famille mentionnée plus haut à se joindre à eux comme Vendou et Willygram pour Sur la Map, Franky Fade pour Montmartre, Will Murphy pour EAU ou encore Claudia Bouvette pour Jeanne-Mance, ils ont à nouveau prouvé qu’à Montréal, la fête ne se fait jamais seul.
O.G.B, un septuor qui déplace de l’air 100% bio
La gloire est aux portes de ce band. Passage plus que remarqué aux Francouvertes, en plus d’avoir mis le feu dans la place à Osheaga, O.G.B est un cheval de course sur lequel on veut miser et ils l’ont prouvé à OUMF. Sur scène, Franky Fade orchestre à merveille cet ensemble de musiciens qui a tout pour relever les défis et pour attirer l’attention. La réalité, c’est qu’O.G.B, c’est l’oeuvre de 7 chefs d’orchestre qui, complices depuis quelques années déjà, n’ont aucun mal à former un tout harmonieux.
L’atmosphère jazzy mélangée avec le débit de Fade s’avère la bougie d’allumage de ce groupe qui a le même plaisir sur scène que des enfants dans un carré de sable, surtout quand ils invitent le public à rebondir et pousser l’ananas. On sent une totale liberté d’expression lorsqu’ils sont sur scène, liberté qui se mesure autant dans leurs solos que dans leurs paroles et qui se manifeste également dans leur aisance scénique. Même avec le peu d’expérience qu’ils possèdent, on sent déjà qu’ils mûrissent et ils ne cessent de mûrir davantage depuis Volume un et même ce qu’ils ont conçu avant. La beauté de la chose, c’est qu’ils sont conscients qu’il n’y a aucune presse et on ressent un heureux relâchement autant de leur côté que du nôtre à chaque note. Si eux parlent de BADBADNOTGOOD pour référencer leurs influences, on peut renchérir en disant qu’avec un peu de temps, ils les surpasseront. Avec Vega, leur plus récente chanson, le groupe explore de nouveaux horizons, vers de la musique plus progressive, tout en conservant les fondations de leur ensemble. C’est un phare qui scintille et qui scintillera d’autant plus bientôt avec la sortie prévue de nouvelles chansons. Si on ne connaît toujours pas ce groupe, il faut faire ses devoirs.
Quand la saveur des îles et celle du rap queb se mélangent avec Brown Family
Certains accrochent, d’autres moins. Bien que ce ne fut pas la meilleure prestation de la soirée, ça n’a pas empêché le trio de donner du bon temps. On louange d’emblée la volonté des trois hommes de conjuguer le rap keb des frères avec la musique jamaïcaine du père. En studio, tout semble couler de source dans leur heureuse cohabitation de styles et leur disque, Brown, invite franchement à la fête, mais on dirait que cette flamme ne brûlait pas avec la même intensité sur scène cette fois-ci. Mis à part toutes ces fois où Snail Kid mentionnait que le trio est issu d’une même famille, on ne ressentait pas cette chaleureuse connexion. Individuellement cependant, il n’y a rien à dire. On prenait plaisir à jouer avec les mots des deux frangins de même qu’avec la beauté des riffs de guitare et de la voix du papa Robin Kerr, sans nécessairement faire une association que tout ce beau monde forme un tout, mis à part lors de Brown Baby. C’est ainsi pourquoi, à mon humble avis, j’ai senti une difficulté à connecter avec leur projet. .
Il n’y a cependant pas qu’une personne à considérer dans l’équation et c’est pourquoi plusieurs beaux moments méritent d’être soulignés, à commencer par Snail Kid qui dégage une incroyable aisance sur scène, autant par ses discours que son débit et sa proximité avec le public. On souligne également la partie solo du père qui, seul sur scène, a démontré l’étendue de son talent en nous berçant dans son précieux dub. Jam avait lui aussi un grain de sel intéressant dans la recette, alors que la fluidité qui émane de ses paroles est plus qu’invitante. C’est de dire qu’au final, même si le trio n’a pas laissé la meilleure des impressions sur celui qui rédige la critique, il n’en demeure pas moins que leur talent est pur.
Crédit photo: Alexanne Brisson