Concerts

Steve Hackett au Théâtre Maisonneuve le 21 septembre 2019 : Le temps des retrouvailles

Le guitariste britannique et ex-Genesis épate la galerie à chacune de ses escales montréalaises. À 69 ans, Steve Hackett, qui a été au coeur de l’aventure Genesis de 1971 à 1977 avait rendez-vous avec ses admirateurs le temps de deux concerts à guichets fermés.

Selling England By The Pound, le cinquième album de Genesis paru en novembre 1973 et considéré par plusieurs comme étant le plus marquant du quintette de rock progressif anglais mené par Peter Gabriel était au coeur de la proposition musicale de samedi dernier. Concert en deux parties: une dizaine de chansons de la carrière solo de Steve Hackett en lever de rideau, puis l’intégrale du désormais classique vinyle, dont l’illustration de couverture peint par Betty Swanwick intitulée Le rêve, figure parmi les plus belles pochettes de disque tous genres confondus.

Pour la petite histoire, c’est le 10 novembre de cette année-là que le groupe débarqua chez nous, au CEPSUM, pour déballer ces trésors de rock théâtral concocté de musique classique et de rock fusion sur fond de commentaire social et d’histoires médiévales, concert qui avait été produit par un jeune Alain Simard, le président sortant de Spectra. Et pour l’anecdote, John Lennon avait été fort impressionné par l’univers flyé du groupe, surtout par les nombreux costumes de scène de Gabriel, le seul à l’époque qui rivalisait sur le même terrain que David Bowie et son grandiose Ziggy Stardust.

Le Genesis de cette époque a depuis fait des petits. Les musiciens de Tool par exemple, admettent d’emblée avoir été influencé le vieux Genesis, ainsi que le guitariste Steven Wilson (Porcupine Tree) dont le fabuleux batteur était derrière les fûts samedi, véritable char d’assaut de la percussion qui a laissé une forte impression sur le public médusé par l’aplomb de son jeu, un défi de taille si l’on considère que Phil Collins était un monstre.

Hackett, 69 ans au compteur, nous a joué les meilleures de Spectral Mornings dont c’était le 40e anniversaire de sa parution, puis quelques-unes de At The Edge of Light. Armé de sa Les Paul et utilisant de manière récurrente les pédales de son arsenal, il nous a plongés dans des univers musicaux fascinants où chaque détour est savamment fignolé et splendidement exécutés par les quatre musiciens qui l’accompagnent. Les dix chansons proposées, certes moins connues du public, ont servi à démontrer toute la cohésion du groupe avec un corpus de chansons nourrissantes, sans esbroufe ni tape-à-l’oeil. Le fan de prog ne peut qu’être ravi.

Nad Sylvan, le chanteur au timbre identique à celui de Gabriel, viendra rejoindre ses compagnons en seconde partie pour la totale de Selling England By The Pound. Dès l’intro de Dancing With The Moonlit Knight sur la seule voix du chanteur, les frissons: « Can you tell me where my country lies » …on sait qu’on part pour un beau et grand voyage, la table est mise. Toutes les progressions d’accords, toutes les nuances de cette musique jouissive y sont reproduites avec brio. Et pour sceller le tout, la sono est parfaite.

Suivra bien sûr I Know What I Like (In your wardrobe) avec ces autres mots de Gabriel que tout le monde connaît: « It’s one o’clock and time for lunch, yum de dum de dum », Firth of Fifth et la sublime intro au piano imaginée par Tony Banks et rendue ici pile-poil, plus loin on entendra le conte médiéval de The Battle of Epping Forest, sans la théâtralité de Gabriel mais tout de même, ce Sylvan nous l’envoie dans les flancs avec une déconcertante facilité. Cinema Show, qui raconte une version bien différente de Roméo et Juliette, chanson en trois parties dont les refrains se chantent tout seuls même en dormant, demeurait intact dans sa beauté et fantastique dans son exécution. Ce band-là est parfaitement soudé, l’apport des saxophones ténor et soprano, parsemés de flûtes et autres instruments à vent, viendra magnifier les arrangements d’origine, c’est franchement génial.

Une fois les dernières notes jouées de Selling England By The Pound, Hackett nous envoya Déjà Vu, une chanson de cette légendaire session qui n’avait pas été retenue sur l’album, puis un bond en avant avec Dance on a Volcano et Los Endos du disque A Trick of The Tail, l’avant-dernier auquel prit part Hackett avant de quitter le groupe en 1977.

Une soirée magique, où têtes grisonnantes et jeunes curieux étaient là pour voir « la vraie affaire », pas un groupe-hommage. Et de constater à quel point Steve Hackett défend admirablement son patrimoine musical.

Déjà hâte à sa prochaine escale chez nous.

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