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POP Montréal 2019 : Aller au-delà de l’inconnu avec Nick Cave

Un événement particulièrement spécial avait lieu dans le cadre de POP Montréal 2019. Nick Cave visitait l’église Saint-Jean-Baptiste dans le cadre de sa tournée An Evening of talk & music. C’était d’une humanité et d’une chaleur parfaite.

En sortant de l’église Saint-Jean-Baptiste, qui a pignon sur rue au coin de Rachel et Henri-Julien, trois heures après que les lumières se soient tamisées sur les 2000 personnes qui s’étaient entassées pour rencontrer le musicien australien, un sentiment étrange m’habitait. Ce qui venait de se passer était probablement l’expérience qui peut se rapprocher le plus de recevoir Nick Cave à souper à la maison. Avec une ouverture totale, une audace impressionnante et une absence de pudeur surprenante, il a discuté de choses et d’autres avec les fidèles, entrecoupant le tout de quelques chansons jouées au piano en solo.

L’acoustique de l’église Saint-Jean-Baptiste était parfaite pour la voix unique de Nick Cave qui résonnait comme provenant parfois d’outre-tombe ou encore chargée des drames, le genre de voix qu’on entend lors des cérémonies de funérailles. D’ailleurs, la mort, l’amour, le deuil, l’amitié et la création ont dominé les réponses de Nick Cave qui tenait à ce qu’une relation de confiance s’installe entre lui et le public. Il a d’ailleurs rabroué une spectatrice, qui elle-même s’offusquait d’un jeune homme qui a demandé à Nick Cave de lui chanter Bonne fête. Il a expliqué qu’il comprenait que ça prenait encore plus de courage à nous de lui poser des questions, qu’à lui d’y répondre.

Accepter de regarder l’abysse en face

Que ce soit lorsqu’il est temps de créer, qui s’entame par un moment solitaire en silence, ou lorsqu’il est temps de faire face au deuil de son fils, de vivre sa sixième cure de désintoxication, ou lorsqu’il prend le temps de faire sa routine de méditation quotidienne, c’est l’abysse qu’il semble regarder en pleine face. C’est du moins, ce qui se dégage de ses propos, 24h plus tard. Il a été sollicité à plus d’une occasion pour expliquer comme il avait passé à travers la mort de son fils en 2015. Les paroles étaient douces, expliquant qu’on ne comprend que lorsque ça se passe, mais que les morts ne nous quittent jamais. Le décor liturgique était particulièrement à propos pour les réflexions métaphysiques et émotives qu’il nous partageait.

L’abysse se crée aussi entre deux musiciens qui collaborent de manière aussi intense qu’il l’a fait avec Mick Harvey, il arrive parfois un moment où deux êtres ne savent tout simplement plus quoi se dire. D’ailleurs, il a ajouté que The Bad Seeds était davantage sculpté par les membres qui n’en faisaient plus partie. Comme une peinture qui gagne des coups de pinceau au fur et à mesure. Parfois, il est simplement temps de changer de couleur. L’inconnu semble prendre une place importante dans les réflexions de Nick Cave. Pour lui, la job de musicien est de se rendre dans cet inconnu, y plonger, et ramener des bribes qu’on peut articuler pour les autres. Il y a certainement là un début d’explication de la grande qualité d’œuvre qui refuse la complaisance.

Il est difficile de statuer sur l’éternel ou la présence d’un être supérieur. Tout comme pour l’amour, il y a beaucoup d’inconnu. Mais Cave semble heureux d’être dans une expérience toujours en cours qui dure maintenant 20 ans pour savoir si l’amour romantique éternel existe.

Nick et son piano

À travers toutes ces discussions, il nous a parlé de son amour pour la musique de Leonard Cohen qui lui a donné le déclic pour la création. Il nous a d’ailleurs offert une très belle version d’Avalanche du Montréalais. Les reprises qui lui sont chères ont occupé une place importante. Il nous a livré une simple et magnifique version de Devil Town de feu Daniel Johnston fidèle à l’originale, entièrement a cappella. Il a même fermé la marche avec une reprise avec Where’s the Playground Suzie? de Glen Campbell, écrite par Jimmy Webb.

Rajoutez à cela des pièces de son cru comme Jubilee Street, Into My Arms, Papa Won’t Leave You, Henry, Stagger Lee et bien plus. Il a choisi ses pièces pour la possibilité de les faire en solo au piano.

Trois heures de générosité et d’ouverture. À ma sortie des portes de l’église, je me sentais privilégié d’avoir vécu ce moment. Et je crois que c’était le sentiment généralisé des spectateurs sur place.

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