PJ Harvey à la Place Bell le 21 septembre 2024
Ça faisait longtemps qu’on l’attendait, en tous cas de mon côté, ça faisait longtemps que je l’attendais malgré ma courte existence. L’impressionnante autrice-compositrice PJ Harvey s’arrêtait à Montréal avec ses musiciens dans le but de promouvoir son dernier album I Inside the Old Year Dying sorti en 2023. Compte-rendu de cette prestigieuse soirée pour laquelle j’avais quand même de grandes attentes.
Ambiance éthérée
Pas de première partie pour accoter ce concert, la Place Bell était strictement réservée à PJ Harvey et ses fans ce soir-là. Les spectateurs et spectatrices ont pu être accueillis par un humble décor où une énorme toile de reliefs & textures était érigée derrière les musicien.nes. Un choix assurément pensé qui nous ramène – on dirait – directement à une esthétique terreuse. Parce que c’est ce que j’aperçois lorsque PJ Harvey pose les pieds sur scène avec ses acolytes : nous plongeons dans cet univers rustique et à la fois éthéré lorsque les premières notes de Prayer at the Gate se font retentir. L’album – une adaptation musicale de son recueil poétique Orlam – est joué dans son entièreté sans aucune déviation. Et on comprend pourquoi, entre autres, grâce à PJ qui nous chante l’album, chaque chanson, comme un conte.
Sa présence s’ancre au fur et à mesure qu’elle se promène sur scène : de grands mouvements jaillissent de ses bras, de sa robe aux grands morceaux de tissus blancs. Chaque geste semble symbolique, presque chorégraphié. Certainement, un aspect théâtral suit encore l’artiste dans ses mises en scène et ses performances. On le voit d’ailleurs à travers ces chaises antiques de bois dispersés sur les planches, où parfois, PJ Harvey se recueille seule. Ou même quand elle se rive au petit pupitre central, pour écrire sur un petit bout de papier des notes qui nous seront à jamais secrètes. L’ambiance y est, on réussit facilement à comprendre la mythologie de cette bulle grâce aux mots qui font écho à une vie agreste, au Wessex et à la terre.
Bien que la mise en scène soit belle et en toute simplicité, ce qu’on aime également, c’est LA MUSIQUE. Sur scène, son fidèle collaborateur depuis plusieurs années, John Parish, se promène entre la guitare et le piano. À quelques fois, la voix d’Harvey tombe en duo avec lui ou avec un autre de ses musiciens, comme sur la pièce A Child’s Question, August. Les pièces sont jouées à l’aide d’instruments folkloriques, mais à la fois de synthétiseur primitif. Parce que voilà un autre point fort de ce concert, le sublime mélange entre un son acoustique à celui d’un son plus électro grâce aux fields recordings ambiant que l’on retrouve sur l’album.
Le premier volet qui précède — selon moi, deux autres — est fortement soutenu grâce à Jean-Marc Butty qui opère la batterie et les percussions. Grâce à sa présence, grâce aux tambours bas et résonants, un ton s’est installé. Alors que nous passons à travers maintenant quelques titres de Let England Shake (et on capote), les sons ricochent sur les murs, reviennent à nous et donnent une nouvelle vie à la Place Bell. Quelque chose d’encore plus fantomatique se déploie, mais quelque chose de plus festif aussi. The Words That Maketh Murder, The Glorious Land & et The Colour Of The Earth, font réagir la foule. Mais je dirais que c’est surtout au troisième volet, que je jugerais comme son répertoire pré-White Chalk (contrairement au répertoire post-White Chalk qui à débuter la soirée), où les gens réagissent le plus. Des morceaux comme Down By the Water, To Bring You My Love sortent avec puissance. Le son est maintenant plus dissonant, PJ Harvey arbore une Jazzmaster autour du cou : le groupe est maintenant dans une formule plus classique, plus rock. Le dernier et troisième volet oblige la foule du parterre à se lever de leur siège, et à danser. On comprend encore plus cette espèce de force qui habite les chansons de PJ Harvey depuis des années.
Une figure fascinante depuis longtemps
À mes yeux, plusieurs choses fascinantes résident chez Polly Jean Harvey, je pourrais écrire une longue liste sur le sujet – mais je vais me restreindre à ce qu’elle a déployé lors de cette soirée à la Place Bell. Elle réussit à déposer sous nos pieds un univers céleste qui se niche également dans le plus raw, dans le plus imposant. Je dirais qu’elle demeure l’une des plus solides et créatives figures féminines de la musique grâce au produit de qualité qu’elle nous livre constamment.
Bref, un 21 septembre d’autant plus spécial à mes yeux — comme un cadeau — sachant que c’est aussi un 24 septembre, jour de ma fête d’accord oui, que PJ Harvey a offert pour la toute première fois Rid of Me sur le Tonight Show. Une sorte d’alignement astral pour m’offrir le meilleur début d’automne ever.