MUTEK 2024 | Patrick Watson, Kara-Lis Coverdale et Colin Stetson
En cette 25e édition de Mutek, c’était pour la deuxième année qu’un événement du festival se déroulait au New City Gas, un club situé dans un vieux bâtiment du quartier Griffintown. Le lieu construit au milieu du 19e siècle a cette fois accueilli un projet spécial de Patrick Watson ainsi que les performances de Kara-Lis Coverdale et Colin Stetson.
Film Scores for No One: a Patrick Watson project
C’est sans surprise que le New City Gas était rempli, peut-être trop, pour cet événement mythique orchestré et signé Patrick Watson. Je dis trop simplement parce qu’il était plutôt difficile de bouger d’un poil sans accrocher une autre personne. En termes d’assistance, on peut dire que la soirée se sera passée un peu à l’inverse des habitudes, accueillant une large foule dès le premier spectacle avant de la voir se dissiper grandement avant la prestation de Kara-Lis Coverdale et Colin Stetson.
En musique, Patrick Watson, accompagné de ses acolytes, a de nouveau présenté un délire exploratoire de qualité, lequel nous a plongé dans son univers modulé, synthétisé et organique électronique néo-classique. Le portrait du paysage musical dessiné lors de cette prestation d’environ une heure a pris des couleurs atmosphériques, classiques et ambiantes, allant de moments mystérieux, de suspense, à des moments plus aériens et candides. Le projet est demeuré en majeure partie du temps axé sur l’instrumental et les diverses textures sonores, laissant un peu d’espace à la voix de Patrick Watson qui se sera grandement amusé avec l’autotune lorsque le moment est venu d’exploiter cette autre richesse.
Ce qu’on retient, c’est la capacité qu’a Patrick Watson à nous enivré, à nous prendre par tous les membres qu’importe les univers qu’il parvient à produire. Il y a de la profondeur, des transitions et des changements de directions qui apaisent comme elle surprennent, la lenteur berce même lorsque quelques sonorités rattachées au bruitage frappent à nous en vibrer le fond du crâne. Avec les visuels et les diverses vagues musicales de ce moment expérimental, je dirais que ce moment était beaucoup rattaché à la proximité des mouvements du corps et ce rapport que l’on entretient avec la musique quand elle devient un corps que l’on compare au sien. C’est aussi une musique des grands espaces qui flotte par ses textures atmosphériques tout en nous maintenant les deux pieds sur terre avec ses vibrantes basses. Je pense que c’est, au final, un spectacle cinématique grandiose qui plait également et notamment par sa proximité avec l’univers déjà connu du musicien, c’est donc dire que les gens qui l’aiment tout comme les amateurs de projets expérimentaux ont pu y trouver plaisir.
Kara-Lis Coverdale
Peu de temps après Watson, Kara-Lis Coverdale, compositrice et musicienne canadienne d’origine estonienne, est arrivée sur scène en solo pour nous dresser un paysage contemporain contemplatif. Coverdale a captivé par sa lenteur, sa clarté ainsi que sa force tranquille, soit l’espace qui existe au travers de ses compositions, lequel apparaît comme une sorte de vide qui permet de faire soi-même le vide. On dit contemplatif, mais donc également méditatif, un peu comme si nous prenions un spa musical avec une musique qui vient masser tendrement nos fibres. On caresse ici la simplicité des éléments, on se laisse désancrer, désarmé facilement par des progressions qui mènent à balayer la salle d’un regard apaisé. On aurait envie d’être dans une capsule perdue dans l’univers, sans crainte de ne jamais revenir.
Colin Stetson
En fin de soirée et peu de temps après Coverdale, Colin Stetson, compositeur et musicien canadien d’origine américaine, est apparu seul sur scène en compagnie de ses quelques instruments à vent dont un saxophone alto et un baryton en plus d’un, si je ne me trompe pas, long tube appelé contrebasson.
Ce qu’il nous a présenté est à l’image de sa renommée et de tout ce à quoi on pouvait s’attendre, c’est-à-dire de longues pièces expérimentales où il a démontré ses prouesses techniques dans un univers qui oscille entre l’apocalypse et des mélodies de rituels anciens, des sons qui s’approchent des dernières lueurs d’une étoile avant qu’elle ne meurt. Mais tout ça n’est pas à accueillir tristement, au contraire, car c’est une musique qui semble défier l’existence même dans sa forme exploratoire qui tapissent toutes les époques et toutes les sphères avec sa lumière, ses textures constamment renouvelées et sa chaleur. Il suffit d’écouter The love it took to leave you, The Six et When we were that wept for the sea, trames jouées pendant le spectacle, pour comprendre un peu plus cet immense vortex que je tente de décrire.
En tout cas, c’est le genre de prestation qui charme par sa rareté et aussi par sa complexité, son inventivité et, pour certains moments, sa difficulté indéniable et le fait que Stetson contrôle son vaisseau comme on attache nos chaussures.
Crédit photo: Frédérique Ménard-Aubin