MUTEK 2024 | Eno, un documentaire performatif
Dans le cadre de sa 25e édition, le festival MUTEK a invité le réalisateur Gary Hustwit pour présenter son plus récent documentaire sur le musicien, compositeur, producteur et artiste visuel Brian Eno. Un projet qui a débuté il y a cinq ans, rassemblant des archives des cinquante dernières années ponctuées par une entrevue entre Hustwit et Eno lui-même.
On peut statuer dès le départ que n’importe quoi sur Brian Eno aurait été très intéressant, et que le réalisateur aurait pu se contenter de présenter l’information selon les règles habituelles du documentaire, de façon chronologique. À notre grand bonheur, Hustwit en a décidé autrement en partant de la prémisse qui se demande ce que ça donnerait de monter le film de façon générative, et le lien avec Eno allait de soi au point que l’artiste ait accepté la proposition avec enthousiasme.
On se retrouve donc avec un entrelacement de sujets d’entrevue approfondis par les archives, créant des liens entre un point de vue qui a parfois des décennies de recul et le point de vue au moment de l’archive. Dans cette dynamique, Eno ouvre quelques-uns de ses cahiers de notes qui relatent le processus créatif derrière telle chanson, album ou projet, incluant des dessins de sa fille durant sa période abstraite ou une liste d’épicerie ordonnée de telle façon. Il écoute également des extraits de ses cassettes numériques (DAT) sur lesquelles il chantonne des idées de mélodies, ou sauvegarde une réflexion développée durant une marche dans son jardin.
Pour celles et ceux qui connaissent bien Brian Eno, le documentaire sert de retrouvaille avec un des artistes les plus importants de sa génération. Hustwit monte en direct son documentaire et nous fait passer de façon non-linéaire par Roxy Music, les débuts de la musique ambiante, la trilogie de Berlin avec David Bowie, l’influence de Fela Kuti sur l’identité sonore de Talking Heads, l’utilisation de l’informatique dans celle de Laurie Anderson, l’expérimentation en studio avec U2 et Daniel Lanois, etc.
Bien que l’approche générative fasse écho au processus créatif d’Eno, ce n’est pas l’élément qui se démarque le plus du documentaire. On est plutôt marqué et touché par l’humilité et la générosité avec laquelle Eno revient sur ses différentes façons de créer, en s’inspirant de la nature et de la manière aléatoire avec laquelle la vie semble évoluer, du hasard heureux ou malheureux qui en découle comme le flot d’une rivière.
Ces sources d’inspiration nous mènent à des outils physiques comme le paquet de cartes Oblique Strategies, ou numériques avec la multiplication des applications de la musique générative. Hustwit propose un magnifique documentaire qui nous fait sentir chanceux de vivre à la même époque que Brian Eno.