Retour sur le passage des Linda Lindas au Théâtre Fairmount, qui a été marqué par leur attitude militante et un public atypique pour un concert punk.

Photos par Coline Beulin

Ce qui surprend d’abord en mettant les pieds au Théâtre Fairmount jeudi soir pour le concert de The Linda Lindas, c’est la foule — des plus inhabituelles pour un spectacle punk rock. La salle est remplie d’adolescents, et même d’enfants accompagnés de leurs parents. Une grande partie du public est asiatique, témoignage éloquent de l’importance de la représentation dans la musique. Mais ce n’est pas tout : on y croise aussi quantité d’adultes passionnés de rock et de punk, arborant fièrement des t-shirts à l’effigie de groupes mythiques. Et tout ce beau monde cohabite dans une ambiance joyeuse, inclusive et bienveillante. Dès notre arrivée, on sent que la fête sera belle — dans un espace sécuritaire et ouvert à toutes et tous.

Un peu de contexte. The Linda Lindas est un groupe punk rock formé de quatre jeunes musiciennes américaines d’origines asiatique et latine. Elles ont aujourd’hui entre 14 et 20 ans (lors de leurs débuts, elles n’en avaient que 10 à 16). Cela explique la jeunesse d’une bonne partie de l’assistance. Cela dit, The Linda Lindas ne font pas de la musique pour enfants. Leurs chansons énergiques, fougueuses, puisent dans l’héritage des plus grands groupes punk. D’ailleurs, elles ont récemment assuré les premières parties de nul autre que Green Day, Paramore, et même les Rolling Stones — impressionnant au passage tout le monde, peu importe la génération. Jeudi soir, les adultes présents y ont trouvé aisément leur compte.

Les jeunes rockeuses sont montées sur scène un peu après 21h et ont lancé les festivités avec No Obligation, le morceau qui donne son titre à leur plus récent album, paru l’an dernier. D’emblée, la fête était lancée, et elle ne s’est jamais essoufflée pendant les 75 minutes suivantes.

Souriantes, pleines d’énergie (mention spéciale à la bassiste Eloise, véritable tornade), elles sautaient, virevoltaient, prenaient toute la scène d’assaut. Elles ont interprété l’intégralité de ce réjouissant nouvel album, ainsi que plusieurs titres de leur précédent opus, Growing Up.

Les quatre Linda Lindas se partagent le chant et les harmonies d’une chanson à l’autre. Chacune a sa personnalité et son charme propres. Eloise, au centre de la scène, est la plus punk du lot, prenant le micro sur les morceaux les plus bruts avec sa voix éraillée et pleine de caractère. Bela, guitariste et aînée du groupe, plus discrète, s’illustre notamment sur les chansons en espagnol — une touche surprenante et rafraîchissante — et s’adresse même au public en français. Lucia et Mila, véritables sœurs, à la guitare et à la batterie respectivement, mènent les morceaux plus mélodiques et pop. Leurs quatre voix s’entrelacent fréquemment avec brio. Toutes sont absolument irrésistibles.

La foule extatique est magnifique à voir. On danse, on saute, on chante, on crie. Il y a quelque chose de profondément libérateur dans cette musique. The Linda Lindas ont su, en peu de temps, bâtir une communauté de fans fidèles. On le comprend vite quand, à une question lancée par la sympathique Lucia, la majorité de la salle répond qu’elle n’en est pas à son premier concert des Linda Lindas.

Avant d’interpréter leur dernier morceau avant le rappel — Racist, Sexist Boy, la chanson militante qui les a révélées au monde il y a quelques années — Eloise scande un Free Palestine sonore, avant de rappeler la nécessité de protéger les personnes trans et les personnes immigrantes. Derrière elle, un fond lumineux affiche : We rebuild what you destroy. Le public réagit dans un tonnerre d’applaudissements. Quel bonheur de voir le futur entre de si bonnes mains — ces Linda Lindas sont là pour inspirer les rockeuses militantes de demain.

Le concert se conclut sur une reprise fougueuse de Rebel Girl du groupe punk féministe Bikini Kill, alors que les membres de Pinkshift (le groupe ayant assuré leur première partie) montent sur scène pour les rejoindre dans un bel esprit de camaraderie. Une fin de soirée à la hauteur de ce qu’elle avait promis : puissante, joyeuse, inspirante.

Crédit photo: Coline Beulin