Les Francofolies de Montréal 2017: Amours, Délices et Orgues de Pierre Lapointe
Mercredi soir, à la Maison Symphonique, avait lieu la représentation d’Amours, Délices et Orgues, le spectacle multidisciplinaire à grand déploiement de Pierre Lapointe, jeune chanteur à la houppe de cheveux toujours aussi tendance. Une soirée où il fallait ouvrir ses horizons et plonger tête première avec l’artiste ainsi que toute son équipe.
L’expérience
D’abord et avant tout, rappelons qu’Amours, Délices et Orgues reste une expérience audacieuse extrêmement complexe. Dans une mise en scène de Sophie Cadieux, Pierre Lapointe nous convie dans une bulle créatrice hautement expérimentale où l’art émergeant se diffuse sous différentes formes. Que se soit par la danse de Frédéric Gravel, le théâtre avec Éric Bernier, le design éclaté de Matali Crasset ou même la musique de Vincent Legault et Florence Blain Mbaye, le chanteur s’amuse, visiblement, dans ce nouveau terrain de jeu qui amène le public à réfléchir. Sous un décor de prisme lumineux, toujours en mouvements, on jurait se retrouver devant une installation vivante dans un musée d’art contemporain. Si on ressort mes notions de mon DEC en arts visuels des boules à mittes… bien entendu!
La musique
Lapointe s’adresse à son public en laissant imprégner les mots dans nos têtes. En chantant sur l’introspection, la différence, le regard des autres, l’homosexualité, la douleur et l’espoir, l’artiste ne manque pas à ses habitudes. Il ose avec son franc parlé tout en laissant couler chacune de ses paroles avec un débit vocal touchant. Lorsqu’il se retrouve derrière le piano, Lapointe nous berce sous des faisceaux de lumière tantôt vifs, tantôt doux. Les plus beaux moments du spectacle resteront ceux où l’orgue occupe une place de choix dans l’espace scénique, comme sur la magnifique Tel un seul homme. L’ambiance demeure enveloppante et lumineuse. Notons aussi les réarrangements acoustiques de La sexualité et L’étrange route des amoureux, qui méritent toutes deux une jolie mention.
La démarche expérimentale
Avec les monologues, écrits par Étienne Lepage, Lapointe fait naître en nous des réflexions d’un point de vue sociétal. Il nous confronte à des faits actuels (les violences contre la communauté LGBT à Orlando en exemple) afin qu’on puisse se questionner en tant qu’humain fonctionnant dans une société distordue. Plus loin durant la représentation, sur scène, en conversation avec le comédien Éric Bernier, les deux hommes discutent, se répondent, jouent au chat et à la souris sans trop savoir pourquoi. Le tout en projetant des émotions multiples qui transmettent un doute quant au symbolisme de ce moment précis du spectacle. Ce qui achale facilement pour ce genre de théâtre expérimental, si vous voulez mon avis. Que veulent-ils vraiment dire? Est-ce pertinent? Est-ce que Bernier était une sorte d’alter-ego de Lapointe ? Une conscience? Un double peut-être? Beaucoup (trop) de questions, sans réponses. Les analyses peuvent aller très très loin. Même s’il y a du non-dit, le public est tout de même invité à s’embarquer dans une expérience artistique des plus éclectiques qui soient. La preuve, à la fin du spectacle, j’en perdais mes mots. Était-ce voulu?
Quoi qu’il en soit, Amour, Délices et Orgues reste un spectacle important et bouleversant, artistiquement parlant. Reste à savoir si on est prêt à tolérer ou non, cette ambiguïté qui plane…