Concerts

Le Festival Santa Teresa 2018 – Les yeux plus gros que la panse?

Vendredi: L’arrivée

Après un rapide voyage sur la ligne de bus no. 9 via la station Montmorency, c’est avec curiosité que je débarquais vendredi dernier à Sainte-Thérèse, une petite ville de la couronne nord de la métropole qui ressemble à toutes les autres au Québec. Une succursale de banque au coin de la rue principale fait face à un clocher d’église coiffé de fer blanc tandis que le Couche-Tard du coin partage son local avec un Subway bondé de festivaliers. Le soleil chauffe les devantures de bars et un mélange débordant de sons et d’effluves émane de chaque commerce tentant d’attirer des clients potentiels pour profiter de cette manne biblique d’étrangers.

Cette première soirée se déroule pour moi sous le signe Emmanuel Éthier (Chocolat, prod. Mort-Rose, Choses Sauvages). Je passe d’abord au Saint-Graal pour boire une IPA maison en écoutant le rock dansant des gars de Mort Rose avant de me diriger vers l’église Sainte-Thérèse d’Avila qui se remplit rapidement en attente de Feist. Sur mon chemin, les vétérans Stars animent une foule attentive sur la scène Red Bull. J’y croise Hubert Lenoir, qui, fort de son passage à La Voix, se fait complimenter par une retraitée: « Tu es très bon, écoute pas c’qu’y disent sur Facebook! ». Un ange passe.

Feist commence à gratter sa guitare au son garage, mais l’acoustique de l’Église donne une teinte aérienne à sa musique. La foule est attentive et les interventions en français de la chanteuse sont chaudement accueillies. Parait-il que les gens ont fini par danser devant leurs bancs d’église et que Safia Nolin a fait une apparition surprise sur scène: je ne le saurai pas, car je me dirige vers une autre messe, un peu macabre: les gars d’Anatole jouent bientôt au Monte Cristo. Costumée de pieds en capes (littéralement), et armée de nouvelles chansons au groove aiguisé, la bande de Québec visiblement peu connue des festivaliers a tôt fait de charmer un public curieux. Merci spécial à Anatole qui m’a filé une rasade de son scotch pendant son bain de foule. Ça c’t’un bon move pour fidéliser tes fans!

Direction ensuite le ChaCha, un spot légendaire qui ne semble pas avoir changé depuis 1980. Pour preuve, ça jouait à la machine à sous durant le soundcheck de Chocolat plus tôt dans la journée. Impossible d’entrer. Une queue s’étire jusqu’au coin de la rue, certains téméraires prenant sur eux de s’infiltrer par la terrasse du bar au risque d’une chute qui sera sans doute oubliée le lendemain, la bière aidant. Tirant avantage de ma passe média, je me faufile en suivant un photographe officiel du festival. Choses Sauvages étant un groupe qui porte bien son nom, je dois faire de grands efforts pour me faufiler dans la masse suintante des oiseaux de nuit pour m’approcher du band. Le public est conquis, le funk est roi. Tiens, voilà que s’amènent les gars de Chocolat. Il est tard, il fait chaud. Je profite de l’ambiance rock psyché d’un de mes groupes favoris le temps de quelques chansons avant de rentrer chez moi. Pas question de rester pogné à Laval.

Samedi: À l’eau

Il pleut. Rien ne va plus. La première annulation est vers 15h pour Her, le duo français étant victime de problèmes techniques. On apprend ensuite que ce sera déplacé à l’intérieur pour 21h (j’y reviendrai). Puis c’est The Voidz qui est annulé pour cause de flotte. Wolf Parade est déplacé au Monte Cristo et les festivaliers font la queue impatiemment dans la pluie froide dans l’espoir de pouvoir entrer dans la taverne puisque c’est le seul concert de la scène principale qui aura lieu avant 21h30.

Quant à moi, je profite du bain de foule de The Voidz pour croquer quelques photos de Julian Casablancas (The Strokes). En retournant boire une ou deux bières à la salle de presse pour passer le temps, je croise Geoffroy et son réalisateur Didier Charette, qui ont visiblement choisi la mauvaise journée pour chiller à la tente VIP. Mes amis présents sur place depuis 13h n’ont toujours pas pu assister à un seul concert. Ils se déplacent à la salle BMO vers 20h pour Her, mais la sécurité n’est pas au courant qu’un show aura lieu avant 22h avec Rone. Confusion. Je passe poser des questions à la salle de presse, l’équipe des communications pousse une notification aux festivaliers: Her annulé. Mes amis débinés patientent à la pluie pour Rone, Darius et Todd Terje. Parait que ça les a réchauffés au moins. Dommage d’avoir patienté 10 heures pour en arriver là. Moi je me dirige plutôt vers la scène principale pour Nick Murphy (anciennement Chet Faker) qui fait danser la foule, enfin. Le gars se donne malgré la « shit weather » (ses mots, pas les miens). Direction dodo. J’ai froid.

Dimanche: Fais pas ton niaseux

Après avoir traîné un peu trop longtemps au soleil avec ma douce pour son congé hebdomadaire, j’arrive à Sainte-Thérèse en plein milieu du spectacle bien rodé des Dead Obies, amputés de Yes McCan qui joue solo depuis sa fugue. On connait la recette, c’est le même spectacle depuis plus d’un an. Personnellement, je ne suis pas trop fan du matériel plus récent de la formation alors j’attends patiemment la fin du show pour entendre Tony Hawk.

Prévisible, mais efficace.

La foule est bigarrée: c’est la journée hip-hop avec des Américains (ou pas…), des vétérans comme Eman et des étoiles montantes comme Fouki. Face aux douanes canadiennes, les formations américaines devant suivre Ghostmane doivent annuler. Heureusement pour moi, c’est Loud qui les remplace avec un bel aplomb pour chauffer la scène principale à l’heure du souper.

Ayant passablement écouté son Année record, je profite du moment, contrairement à une bonne partie de la foule qui reste fraîche face à la proposition du jeune premier. C’est pas assez trap-emo-soundcloud pour ces jeunes en quête de sensations fortes, il faut croire. La foule le fait d’ailleurs sentir à Oh Wonder, qui a mystérieusement atterri au milieu de tout ça. Les mélodies pop plutôt efficaces du duo anglais sont sporadiquement enterrées par des quolibets.

Pas chic, mais ça annonce la suite.

Profitant d’une accalmie, je passe du côté des Ragers et de High Klassified avant de me rediriger vers la scène principale pour Lil Uzi Vert. Après 30 minutes à perdre mon temps, je quitte la foule turbulente pour essayer de sauver les meubles avec Mon Doux Saigneur mais le timing n’y est pas et je découvre plutôt Dave Chose, qui me fait bien rire avec ses histoires d’Orangina (y’a une blague salace ici, je vous laisse découvrir dans un bar près de chez vous lors de son prochain show). La soirée tirant à sa fin, je me faufile chez Lydia Képinski mais le ChaCha affiche complet encore une fois.

Faisant mon deuil de la performance d’Hubert Lenoir, je fais acte de contrition à l’Église. C’est que Klô Pelgag est venue expier nos péchés — mais pas ceux de Lil Uzi Vert — dont l’annulation trop tardive par le festival fait virer la foule su’l’top (c’est le tour d’Eman et Fouki à la salle BMO): intervention tristement clichée des forces constabulaires de la rive nord pour rétablir l’ordre. Après une lecture de VioleTT Pi qui sonne comme un requiem pour la musique, la procession papale de Klô Pelgag bénit nos oreilles, avec des retailles d’hosties en prime pour la foule. Je clos mon expérience avec les oreilles repues: le mélomane en moi est satisfait d’aimer la musique d’ici et pas les hurluberlus de l’heure. J’suis peut-être snob, mais en même temps je ne détruis pas les haut-parleurs du festival, donc tu choisiras qui juger…

Santa Teresa 2018, c’est comme le party que tu as organisé chez tes parents en secondaire 4 quand ils sont partis une semaine en vacances: tu avais invité juste tes amis, mais ça a fini avec une chèvre peinturée fluo qui nage dans la piscine et une plainte de bruit des voisins. Une solide programmation locale qui a fait mouche avec des bars affichant complet tous les soirs, au grand dam des retardataires. Les spectacles ayant eu lieu à l’Église (Feist, Klô Pelgag) feront parler pendant des semaines, mais c’est malheureusement les communications déficientes du festival qui marqueront les esprits. En effet, c’est difficile de justifier autant de ratées aux festivaliers quand on annonce des concerts « beau temps, mauvais temps ». C’est aussi difficile de contenir une foule de jeunes qui patientent deux heures avant d’avoir des nouvelles de leur idole. Meilleure chance l’année prochaine.

Crédit photo: Julien Gagnon /IG: @fuji_ju / FB: Fuji_ju Photo

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