Heavy Montréal 2016
Le festival Heavy Montréal en était à sa dixième édition cet été, et prenait une tournure plus modeste, avec une programmation réduite et un nouveau site plus petit quoique très convivial. Beaucoup ont été déçus lorsque la programmation a été annoncée. Pour certains, la déception provenait d’une trop grande place au hard rock radiophonique et cosmétiquement métal des têtes d’affiche comme Disturbed, 5 Finger Death Punch, Volbeat et Nightwish. D’autres ont été déçus plutôt par le manque de gros noms, tout simplement. N’empêche, la programmation était variée sans s’étendre jusqu’au punk rock comme dans les éditions précédentes. On ne peut jamais plaire à tout le monde, après tout! Heavy Montréal 2016 offrait des groupes de qualité dans une variété de tons de métal. Voici un aperçu de ce que j’y ai vu et entendu.
Jour 1
C’est la formation post-rock locale USA Out of Vietnam qui a lancé le bal devant une foule encore petite et pas très réchauffée. La troupe de Jonathan Cummins était la plus incongrue de la programmation, comme il l’a reconnu lui-même («C’est quoi, cet étrange groupe de roadies?»).
Pop Evil suivait et annonçait plus clairement de quoi aurait l’air le festival: du metalcore mélodieux, avec une forte influence de «cock rock» californien partiellement assumée. Le groupe a su gagner bien du monde à sa cause avec un set peaufiné jusqu’au dernier détail. Même les «make some noise!» semblaient tomber aux endroits prévus, avec un professionnalisme robotique.
Du côté de la scène Blabbermouth (l’idyllique scène dans les arbres), l’unique invité black metal du week-end, Inquisition, a dû être remplacé au pied levé par le death metal de crottés du groupe Vastum, qui étaient en ville pour une autre tournée la veille. De la musique aussi sombre, jouée dans la joie et en plein soleil entre les arbres, c’est un peu pour ça que Heavy Montréal vaut la peine d’être visité.
J’ai vu la suite par intermittence entre quelques rencontres (des entrevues sont à venir dans nos pages, restez à l’écoute!), mais il y a eu Fear Factory, qui jouait le thrash industriel percutant de son album classique Demanufacture en entier, puis l’intensité sauvage de Dillinger Escape Plan, et le sympathique death metal des Québécois de Kataklysm. Ces derniers ont fait bonne figure, et c’est bien malgré eux qu’ils ont été un peu surclassés par les maîtres britanniques de Carcass, qui jouait juste après. Du gros death metal mélodique livré avec un peu d’humour pince-sans-rire et énormément de précision et d’intensité. Ils n’ont pas mérité leur réputation pour rien.
Sebastian Bach attirait son lot d’admirateurs, mais je dois vous avouer que ses cris stridents à côté de la mélodie qu’il essayait d’atteindre rendaient son numéro insupportable à mes oreilles. Même Sabaton était mieux, et ce type de métal simpliste à l’européenne n’est vraiment pas mon genre. Quand un groupe place un char d’assaut avec un gros canon sur scène sans une once d’ironie, on se dit qu’il essaie de compenser pour quelque chose. Le type que Spinal Tap parodiait il y a 30 ans est encore bien vivant.
Parlant de musique ancrée dans le passé, c’était ensuite Black Label Society. Monsieur Zakk Wylde n’a pas changé depuis l’époque où il a été recruté par Ozzy Osbourne. On sait exactement à quoi s’attendre avec Zakk: les solos sont partout et toujours à peu près pareils, mais le gars a encore clairement énormément de plaisir à «zigner» sa guitare. On se demande pourquoi il a joué dix minutes de moins que prévu, cependant.
Puis à la scène en face, c’était Mastodon. Avec Troy en t-shirt vintage de Men At Work et Brent en veste western à franges, le groupe de Georgie faisait carrément figure de hipsters dans une programmation peuplée de t-shirts à têtes de mort. Les deux derniers albums de Mastodon ont divisé les fans, mais quand le groupe est en forme sur scène, tout le monde est d’accord. Il s’est brillamment repris pour l’annulation de sa présence à l’édition 2015.
L’avant-dernier groupe sur les grandes scènes était Nightwish, probablement le groupe qui aurait dû clore la journée. Leur métal à saveur symphonique synthétique est loin d’être mon genre, mais le public a été soulevé par la troupe de Floor Jansen, et il faut admettre que le groupe connaît son public et donne un spectacle efficace. Les touches pyrotechniques sont superflues, mais elles sont là et le public en redemande.
On a terminé cette première journée avec Cult Of Luna à la scène dans les arbres. Les rois européens du post-metal donnent un spectacle du tonnerre, viscéral, qui a cloué le bec de tous ceux qui avaient encore des doutes. Les convertis sont assez nombreux à Montréal pour que la troupe ait donné un spectacle supplémentaire en guise d’after-party à l’Astral dimanche soir. La formation suédoise interprétait pour l’occasion, et en intégralité, son album classique Somewhere Along The Highway. Une heure intense avant d’affronter la foule du métro…
Jour 2
La deuxième et dernière journée du festival a commencé par pas un, pas deux, mais bien trois groupes metalcore à deux chanteurs. I Prevail y passaient les premiers, pour une foule plus prête à faire la fête que celle de la veille. Un des chanteurs du groupe nous a annoncé qu’il était fier de jouer sur la même scène que Despised Icon, le premier groupe metal qu’il a vu en spectacle «dans le bon vieux temps, en 2009». Ça ne me rajeunit pas! We Came As Romans les ont suivis, exactement dans le même genre.
Après un bref coup d’œil à Despised Icon, techniquement solide, mais un peu rigide devant le public de sa ville natale, j’ai choisi d’aller plutôt voir Mantar sur la petite scène. Une fois devant eux, il n’était plus question de partir! Mantar s’impose peu à peu comme un incontournable de la musique agressive, avec des compositions simples sans être simpliste, des riffs du tonnerre et une énergie presque inquiétante.
Pendant Animals As Leaders, groupe dont chaque guitare comporte plus de cordes qu’il y a eu de chanteurs dans tous les autres groupes sur scène aujourd’hui (soit plus que six, vous me suivez?), une pluie brève, mais très abondante est venue refroidir les ardeurs. Quoique ces ardeurs n’étaient pas très chaudes, la musique djent du groupe étant un peu dense à absorber pour un public de festival. Hatebreed a su faire pas mal plus d’effet. Le groupe hardcore/thrash a participé au festival plus d’une fois et a son lot de fidèles à Montréal. Ça bougeait fort et intensément.
Ensuite, les vénérables druides allemands de Blind Guardian, groupe de nerd métal par excellence. Pas mon genre du tout, je préfère mon métal sans clavecins ni références médiévales, mais je reconnais sans hésitation qu’on n’a pas affaire ici à un groupe de deux de pique. Mes respects, messieurs.
Zakk Wylde était de retour sur la même scène pour une deuxième journée, cette fois pour présenter le matériel qu’il a lancé en solo, légèrement plus relax que celui de Black Label Society, mais bourré de solos interminables quand même. Pour fans invétérés seulement.
J’ai choisi d’ignorer Alter Bridge pour accorder toute mon attention aux vétérans du death metal Suffocation. Ayoye! D’une intensité sauvage et sans bornes, le groupe de Long Island offre l’équivalent musical d’un film gore, et une belle leçon de brutalité métal que tout jeunot devrait voir. Le chanteur original du groupe, Frank Mullen, ne se déplace plus que pour quelques concerts de choix, ceux qui selon lui en valent le plus la peine, et il était de la partie pour Heavy Montréal. Nos métalleux les plus crottés peuvent se compter choyés d’avoir pu l’entendre avec ses vieux comparses Terrance Hobbs et Derek Boyen.
Next, Killswitch Engage, qui attirait assez de monde pour que son côté du site semble plein avant même qu’Alter Bridge ait terminé sa prestation. C’est compréhensible, le groupe offrant une compétente interprétation du thrash et du métal classique depuis déjà plus de 15 ans. À noter: une reprise féroce de Holy Diver de Dio, moment on-ne-peut-plus-métal pendant le weekend.
Il fallait vite retourner à la scène dans les arbres pour ne rien manquer des légendaires Napalm Death, les créateurs du grindcore en personne, le groupe qui a apporté le punk hardcore à sa logique la plus extrême et qui n’a pas lâché le morceau depuis une trentaine d’années. La poussière soulevée par le pit restera dans mes narines quelques jours, mais le souvenir de ce concert restera incrusté bien plus longtemps. La bande de Mark «Barney» Greenway a démontré que ce qui anime les grands groupes, c’est avant tout la passion et l’amour. Napalm Death peut sembler négatif ou misanthrope aux oreilles inattentives, mais c’est la cruauté et le manque d’amour des hommes qui leur sont impossibles à accepter. La colère est une réaction tout à fait normale, voire saine, face aux différentes formes de mépris et de haine. Je n’ai jamais ressenti autant d’amour pour le genre humain après une démonstration de musique si «pulvérisante». Transcendant!
Barney ne fait pas qu’affirmer cet amour, il l’a démontré par ses gestes en grimpant sur scène avec le groupe suivant, Volbeat, pour interpréter la pièce Evelyn qu’il avait enregistrée avec eux en 2010. La chanson cohabitait bizarrement avec leurs reprises de Johnny Cash et de Dusty Springfield, mais Volbeat est ce genre de groupe: un groupe de party qui est fait pour être écouté sans trop réfléchir.
Ne restaient que Disturbed et Candlemass, mais pour moi le sommet de la vague était déjà passé. J’ai terminé la soirée à écouter les Suédois proto-doom de Candlemass, dont la musique est restée à peu près inchangée depuis les années 1980: fortement inspirée du NWOBHM, mais qui préfère le poids de la lenteur aux frissons de la rapidité. Une bonne façon de décompresser avant de rentrer à la maison, poussiéreux, un tintement dans les oreilles, mais très content d’avoir vécu l’expérience.
La faune de Heavy Montréal 2016 était belle à voir. À l’an prochain les métalleux!