FME 2021 : Marie-Pierre Arthur et Joe Grass, Yoo Doo Right, The Besnard Lakes, Tumeurs, Reanimator et Voivod
Voilà mon dernier compte-rendu de ce FME vraiment pas comme les autres. Le jour 3 a été marqué par l’amorce des célébrations du 10e anniversaire du média que vous lisez actuellement. Le jour 4, lui, s’est déroulé en mode « headbanging » avec la Nuit Métal; un événement qui conclut toujours le festival de manière tonitruante.
Jour 3: Marie-Pierre Arthur et Joe Grass (10e anniversaire de LCA)
Cette troisième journée a démarré de manière émouvante pour moi, et mon collègue Louis-Philippe Labrèche, avec le concert acoustique de Marie-Pierre Arthur qui, pour l’occasion, était accompagné par l’excellent Joe Grass. Après nos boniments d’usage, mais hautement sentis, Marie-Pierre et Joe se sont installés sur la scène du Cabaret de la Dernière Chance pour nous présenter quelques chansons. Le duo a obtenu toute l’attention qu’il méritait. Les chansons de Marie-Pierre en format dépouillé évoquent fortement le travail de l’artiste country-folk américaine Gillian Welch lorsqu’elle est accompagnée à la guitare par David Rawlings. Une prestation intimiste qui nous a tous et toutes émus jusqu’à la moelle. Coup de chapeau à la version touchante de Le vent m’appelle par mon prénom… qui a fait pleurer le bon LP !
Jour 3: Yoo Doo Right + The Besnard Lakes
Après un souper festif, et bien arrosé, en compagnie de sympathiques professionnels de l’industrie, je me suis rendu au concert réunissant Zoon, Yoo Doo Right et The Besnard Lakes… et j’ai loupé la prestation de Zoon, arrivant tout juste pour la conclusion du concert de Yoo Doo Right.
Dans mon premier résumé paru samedi dernier, je vous avais transmis mon enthousiasme devant la puissante proposition du trio qui verse dans une sorte de krautrock déflagrant. À mon entrée dans l’enceinte du Petit Théâtre, le tremblement de terre assourdissant provoqué par la musique de la formation m’a subjugué. Un mur de son évoquant la formation Swans. Ce qui n’est pas pour me déplaire. Je compte bien les attraper dans une salle montréalaise au cours des prochains mois.
Ainsi, cette soirée se concluait avec la majestueuse formation de rock psychédélique/post-shoegaze The Besnard Lakes. Le quintette mené par Jace Lasek — un réalisateur respecté et prisé s’il en est un — a fait le déplacement à Rouyn-Noranda afin de nous présenter l’essentiel de leur excellent dernier long format : The Last of the Great Thunderstorm Warnings. Après une introduction environnementaliste qui nous mettait en garde sur les choix difficiles que nous aurons à faire sous peu, le quintette s’est mis en marche. Avec l’aide d’une sonorisation impeccable, les harmonies vocales « beach-boyesques », si emblématiques de la formation, flottaient littéralement dans la salle. Le groupe s’est même permis un long intermède de claviers ambiants. Ces quelques interludes judicieusement répartis dans l’ensemble du concert préparaient le public à l’habituelle explosivité de la formation.
Lorsque l’on fait référence au « son de Montréal », on oublie trop souvent l’apport considérable du quintette à la réputation enviable que détient la métropole sur la scène musicale internationale. Avec The Besnard Lakes, le voyage est plus important que l’impact immédiat d’une chanson. Une chose rare de nos jours… sans tomber dans la nostalgie réactionnaire. Rien à redire, ce fut un solide concert.
Jour 4 : Tumeurs + Reanimator + Voivod
Et j’ai conclu ce périple en terre abitibienne avec la Nuit Métal qui, cette année, mettait en vedette les formations Tumeurs et Reanimator, mais d’abord et avant tout, l’un des plus grands groupes de l’histoire de la musique québécoise : Voivod.
C’est Tumeurs qui ouvrait la soirée. Mise en contexte. Simon Turcotte, le « growler » du groupe, âgé de seulement 32 ans, s’est fait amputer la jambe à la suite d’une récidive d’un cancer contre lequel il lutte depuis 2016… et certains métalleux ont reproché à Turcotte d’avoir opté pour un nom un peu trop « virulent ». Mais le principal intéressé nous a fait savoir clairement durant le spectacle qu’il s’en foutait royalement : « Y’en a qui ont pas aimé le nom de mon band. Après cinq tumeurs, pis ça, (en pointant la partie amputée de son corps), je vais appeler le nom de mon band comme je veux. Si ça fait pas votre affaire, mangez d’la marde ! ». Et vous savez quoi ? Turcotte a totalement raison. Vêtu d’une jaquette d’hôpital, Turcotte s’est présenté, bien recroquevillé dans un fauteuil roulant, adoptant une posture accablée qui n’avait d’égal que la sincérité de ses « growls ». Musicalement, le groupe verse dans un sludge-punk-hardcore qui sent le gisement minier à plein nez. Le trio est bien sûr originaire de Malartic. Les fans d’Eyehategod sauront estimer à sa juste valeur ce groupe hors norme. Un trio bruyant, chaotique et d’une honnêteté qui, pour ma part, impose le respect.
Après m’être remis de mes émotions, ce sont les Montréalais de Reanimator qui ont foulé la scène du Petit Théâtre. En format album, le quintette thrash métal « vintage » ne m’a jamais convaincu. En concert, leur son est plus puissant et plus crade. Assez pour y trouver certaines ressemblances avec un groupe comme Iron Reagan. Évidemment, Reanimator est plus docile qu’Iron Reagan, mais la performance du groupe fut vraiment inspirée et ce n’est pas étranger à la présence scénique de Pétrik Le Pirate qui dirige la circulation de main de maître. La formation a joué quelques nouvelles pièces qui paraîtront sur son prochain album. Le concert s’est terminé avec Le Pirate qui a exigé que le public lance ses canettes de bière vides sur scène… une demande respectée à la lettre.
Cette « nuit » s’est conclue avec une prestation très attendue de notre fleuron du métal québécois : Voivod. Pour avoir vu le quatuor deux fois sur une scène extérieure dans le cadre de Heavy MTL, je vous confirme que c’est sur une petite scène, avec une sonorisation à la hauteur, que le métal progressif de Voivod prend tout son sens. Toujours aussi flabbergasté par le jeu du guitariste Dan « Chewy » Mongrain — le seul être humain qui pouvait remplacer feu Denis « Piggy » D’Amour décédé en 2005 —, ce sont les prouesses derrière les fûts de Michel « Away » Langevin qui m’ont littéralement soufflé. Encore aujourd’hui, le batteur, âgé de 58 ans, est fluide et d’une précision chirurgicale. Après Obsolete Beings, pièce tirée de l’excellent The Wake (2018), Denis « Snake » Bélanger, s’est bien amusé aux dépens de cette pandémie qui force le public à demeurer sagement assis à sa place pendant les concerts : « C’est étrange. On dirait une congrégation de métalleux », lança-t-il à une foule hilare.
Pigeant dans l’ensemble de leur volumineux répertoire, c’est la performance sentie dans Tribal Convictions et la version légèrement accélérée de The Prow qui m’ont conquis. Évidemment, Voivod nous a achevés avec une puissante version d’Astronomy Domine. Honnêtement, c’est le meilleur concert de Voivod auquel j’ai assisté dans ma longue vie de mélomane. Les vétérans prennent du galon en avançant en âge et dans le merveilleux monde du métal, vieillir sans perdre une seule once de pertinence relève de l’exploit.
C’est ce qui a conclu de façon magistrale mon périple au FME. Je tiens à remercier du fond du cœur l’organisation du festival de nous avoir permis de célébrer notre 10e anniversaire d’existence. Je ne couvrais plus de concerts et de festivals au cours des cinq dernières années par manque de temps, mais… je serai de retour l’an prochain ! C’est pour vous dire à quel point le FME est devenu une affaire de cœur. Pour une énième fois, un gros merci. Rouyn-Noranda, j’ai déjà hâte de te revoir !
Crédit photo: Couverture : Christian Leduc / FME