La finale des Francouvertes 2023 | Jeanne Côté, Héron, Parazar, Calamine et Samian
C’est dans un Club Soda passablement rempli que la finale de la 27e édition du concours-vitrine Les Francouvertes s’est déroulée hier soir.
Photos par Coline Beulin
Pour cette ultime soirée, la marquise de la salle arborait les noms de Jeanne Côté, Héron et Parazar. Nous étions donc conviés à une soirée où le folk, la pop, la musique traditionnelle et le rap se sont côtoyés, mettant ainsi de l’avant la diversité de la relève musicale québécoise. Compte-rendu de cette finale somme toute assez relevée.
Calamine et Samian
C’est la rappeuse féministe Julie Gagnon, alias Calamine, et le rappeur Samian, originaire de la petite communauté algonquine de Pikogan, qui avaient l’honneur d’ouvrir la soirée.
C’est d’abord Samian qui s’est présenté seul sur scène et sans aucun accompagnement. Est-ce que sa présence en mode esseulé avait un lien avec les problèmes de connexion qui a plombé en partie la webdiffusion de l’événement ? Question sans réponse en ce qui me concerne. Or, l’artiste a déclamé, avec un sourire en coin, un texte brillant, senti et pertinent portant sur cette forme d’esclavagisme moderne qu’est le capitalisme technologique. L’un des co-animateurs de cette grande finale, Mantisse, est même venu accompagner Samian en improvisant un rythme au microphone. Une prestation réussie.
Ensuite, c’est Calamine qui est venue faire son numéro. Lors de la 25e édition, elle avait performé devant juges et caméras, sans public, jusqu’à la finale. Pandémie oblige… La rappeuse était bien sûr heureuse de performer devant le public des Francouvertes. Charismatique et énergique, on a compris parfaitement pourquoi elle s’était rendue en grande finale du concours-vitrine. Coup de chapeau à l’excellente version d’Officielle Gouine.
Jeanne Côté
En demi-finale, cette talentueuse « faiseuse de chansons » nous avait offert une autre prestation impeccable, remplie d’une assurance tranquille. Aucun doute, Jeanne Côté est prête à présenter ses chansons raffinées à un public élargi.
À peu de choses près, l’autrice-compositrice nous a présenté les mêmes pièces, dans le même ordre, que lors des préliminaires et des demi-finales. Encore une fois, c’est avec la magnifique ballade pianistique J’suis là qu’elle a réduit au silence le Club Soda au grand complet. Le charme à la fois authentique et indicible de Jeanne Côté avait à nouveau touché les cœurs. La Gaspésienne d’origine est tellement à son aise sur scène qu’elle s’est même permis de pianoter d’une seule main, la jambe croisée, pendant la chanson Touché-coulé. Ce fut donc un autre sans faute à ajouter à son parcours irréprochable.
Maintenant, on lui souhaite des rencontres significatives avec des créateurs qui pourront pousser ses chansons, somme toute académiques, à un niveau créatif supérieur.
Héron
Lors de la deuxième soirée des demi-finales, Héron nous avait charmé avec une réinitialisation réussie de la musique traditionnelle québécoise.
D’entrée de jeu, le meneur de la formation, Henri Kinkead, était nettement plus juste et plus en voix que lors de la deuxième soirée des demi-finales présentée au Lion d’Or. Lors de la deuxième chanson dont le titre m’échappe — désolé, je rédige ces lignes en pleine nuit! —, le refrain, magnifié par les voix des six instrumentistes présents sur scène, fut à couper le souffle.
Dans l’excellente Fontaine, Kinkead raconte une anecdote d’apparence anodine : l’assèchement forcé du lac artificiel situé en plein cœur du parc Lafontaine afin d’accélérer certaines constructions immobilières du quartier. En racontant cette simple histoire, l’auteur passe un message tout en douceur que les impératifs économiques ont trop souvent préséance sur les beautés du monde…
La prestation s’est achevée avec une chanson intitulée L’Hiver; pièce qui inclut l’intégration de deux classiques habilement relus de la musique traditionnelle québécoise. Sans être une prestation d’exception, la présence d’un groupe comme Héron est essentielle dans le paysage musical québécois et prouve qu’il est possible d’embrasser ses traditions sans être passéiste ou ringard.
Parazar
Efficace et rassembleur, le rap grand public de Parazar fait normalement réagir le public au doigt et à l’œil. C’est du moins ce que j’avais constaté lors des préliminaires et de la troisième soirée des demi-finales.
Pour cette grande finale, à ma grande surprise, le charme n’a pas opéré à son plein potentiel. Encore une fois, l’artiste a rappé, chanté avec fluidité et a balancé ses rimes avec une précision chirurgicale. Son aisance sur scène était encore une fois digne d’une artiste professionnelle.
Toutefois, j’ai noté un indescriptible manque d’entrain chez Parazar comme si elle « performait » son concert plutôt que de l’incarner réellement. Fatigue? Trop sûre d’elle? En mode « pilote automatique »? Difficile de bien décrire cette tenace impression, mais l’enthousiasme qu’elle a l’habitude transmettre au public semblait moins sincère que lors de ses performances précédentes durant le concours.
Cela dit, cette appréciation n’enlève absolument rien au talent qui habite la rappeuse, mais un je-ne-sais-quoi de moins senti a caractérisé la dernière prestation de l’artiste aux Francouvertes.
Et le classement final de cette 27e édition se lit comme suit.
Palmarès
01 Jeanne Côté
02 Parazar
03 Héron
Félicitations aux trois finalistes. Je suis toujours admiratif et respectueux devant ces artistes qui ont le cran de se présenter sur scène afin d’offrir leurs propres créations. Peu importe si l’habillage sonore choisi me plaît ou non, sachez que je voue un profond respect à tous ces courageux artisans de la chanson.
Bien sûr, nous serons de retour l’an prochain pour vous offrir une couverture exhaustive et honnête de ce concours-vitrine si essentiel à l’épanouissement de la chanson québécoise.
Crédit photo: Coline Beulin