FIJM 2023 : DOMi & JD BECK, Herbie Hancock, (un tantinet) de Jean-Michel Blais et Gabrielle Shonk
Je ne sais pas ce qui m’excitait le plus, le fait que j’allais voir Herbie Hancock pour la première (et probablement la dernière) fois ou encore le savant duo DOMi & JD BECK qui ouvrait pour la légende du jazz.
Voir une légende du jazz de 83 ans est un événement rare et il faut en profiter quand ça passe. En plus, ce sont deux jeunes prodiges du jazz qui s’occupait de la première partie : DOMi & JD BECK.
DOMi & JD BECK
Leur prestation n’a pas été un long fleuve tranquille, non seulement en raison de la musique qui est dynamique et vitaminée, c’est le moins qu’on puisse dire, mais en raison de problèmes techniques. Les ratées d’un ordinateur capricieux étaient à un point tannantes que DOMi a promis qu’elle changeait d’instrument pour la flûte dès aujourd’hui. Ceci étant dit, à chaque nouveau départ après un arrêt, le duo était pile-poil là où il avait laissé. C’était techniquement impressionnant.
D’ailleurs, parlant de technique, c’est vrai que le duo en met plein la vue et l’ouïe. DOMi qui joue à la fois la ligne de basse et le piano sur deux claviers différents possède une dextérité qui est surhumaine. JD BECK de son côté n’est pas en reste avec un sens du rythme hallucinant et de nombreuses nuances dans son jeu. Ensemble, le duo est tout simplement époustouflant. C’est en partie musique, en partie performance de haute voltige. En plus, la paire en a rajouté en chantant la partie de Thundercat sur BOWLiNG, tirée de leur album NOT THiGHT paru l’an dernier (un de nos grands oubliés au Canal).
Malgré les problèmes techniques DOMi & JD BECK ont offert une performance incroyable. En plus de BOWLiNG, le duo a joué MOON, la pièce de leur album avec Herbie Hancock (même si celui-ci n’est pas sorti pour l’interpréter avec eux), deux reprises (Endangered Species de Wayne Shorter et Havona de Weather Report) et quelques autres pièces de l’album.
La paire m’a épaté et leur entrain de jeunes musiciens est beau à voir. C’est la joie, l’humour et la folie qui animent leur approche. DOMi est entrée sur scène sur des patins à roulettes avec des lumières qui flashent, JD BECK a pris le micro plusieurs fois pour s’amuser avec la foule, DOMi nous a parlé exclusivement en français et finalement, leur décor coloré qui ressemble à une ville dans un vallon de toutes les couleurs avec un champignon nucléaire au centre. Un excellent concert. Vous pouvez vous reprendre ce soir alors que la paire jouera sur la scène de la Place des Festivals à 21h30. Mais… peut-être que DOMi jouera de la flûte…
Herbie Hancock
Avant même sa première note, Herbie Hancock recevait une généreuse ovation debout. Ce ne sera pas la seule de la soirée d’ailleurs. Il commence en nous parlant peu, ce qu’il fera entre chaque chanson ou presque au cours de la soirée. Il nous parle notamment des déboires des deux jeunes artistes d’avant qu’il affectionne en disant que les problèmes techniques c’est génial, parce que ça oblige à improviser et ça fait ressortir le vrai. Bref, après une dizaine de minutes à nous parler, il se lance dans Ouverture, un medley de quelques-unes de ses pièces connues à travers les années.
Autour de lui, on retrouve des musiciens talentueux qui à de nombreuses reprises auront l’espace pour montrer à quel point ils le sont : Terence Blanchard à la trompette et les claviers, James Genus à la basse, Lionel Loueke à la guitare et Jaylen Petinaud à la batterie. Ce dernier, beaucoup plus jeune que le reste de la troupe avec un gros sourire accroché au visage pendant la généreuse heure et demie du concert. C’est sans doute le plaisir de jouer avec des musiciens si expérimentés et talentueux qui lui inspirait cette banane.
Au courant de la soirée, le groupe passera à travers Footprints de Wayne Shorter, Actual Proof, Come Running to Me, Secret Sauce et bien sûr Chameleon. Ce qui m’a le plus marqué pendant la performance ce sont les nombreux moments où les musiciens jouent ensemble, dans le sens de jouer pour vrai, dans le sens de s’échanger la balle et répondre à une phrase que l’un fait. D’habitude, les concerts sont plutôt figés dans des interprétations de créations, mais ici, on était dans le très vivant. Les sourires échangés ne mentaient pas, il y avait un réel échange qui se faisait sous nos yeux dans le véritable esprit du jazz.
Le seul petit bémol de la soirée est le son horrible qui sortait du Vocoder au début de Come Running to Me avec ses inflexions de voix extrêmes. Mais après quelques mesures, Herbie Hancock a réussi à le ramener à quelque chose de plus agréable et en harmonie avec le reste de la chanson.
C’était une chance de pouvoir voir à 83 ans un pianiste qui a créé des standards de jazz. Ce n’est pas tous les jours que ce genre d’opportunité se présente.
Jean-Michel Blais
Je suis arrivé à temps pour la dernière chanson de Jean-Michel Blais devant une place des festivals bien remplie. Le mot d’ordre avait été donné et la foule écoutait religieusement. C’est avec la puissante Hypocrite tirée de l’EP Cascades avec CFCF qu’il a terminé sa prestation. Entouré de Dmitri Zrajevski (chef), Nadia Monczak (violon), Brenna Hardy-Kavanagh (violon). Dillon Hatcher (alto), Lorraine Gauthier-Giroux (violoncelle), David Gélinas (contrebasse), Myriam Genest-Denis (flûte), Lindsay Roberts (hautbois + cor anglais), Benjamin Deschamps (clarinette + clarinette basse + saxophone), Mary Chalk (basson), Jocelyn Veilleux (cor) et David Carbonneau (trompette et flugel), il a livré une finale puissante et émouvante. Je me reprendrai, mais c’était la parfaite façon de terminer ma soirée au Jazz.
Gallerie photo du concert de Gabrielle Shonk par Coline Beulin
Crédit photo: Couverture : Victor Diaz Lamich