FIJM 2022 | jour 7 : Robert Glasper
On se souviendra du passage de Robert Glasper dans un Théâtre Maisonneuve bondé pour cette 7e soirée de la 42e édition du Festival international de Jazz de Montréal.
Photos par Coline Beulin
Le virtuose et compositeur américain, à qui l’on a remis le prix Miles Davis (ce dernier succède à Joshua Redman) décerné depuis 1994 et destiné à souligner l’indéniable contribution d’un.e artiste jazz à l’avancée de la musique, a offert une performance à la hauteur de sa réputation. Avant de s’envoler pour l’Europe, Glasper et ses acolytes nous ont donné un bon deux heures de méditation et un continuum musical hétéroclite à faire rêver.
Suite à la remise du prix, Robert Glasper est sorti de la scène, laissant place à son DJ, Jahi Sundance. L’artiste a mis la table pour la suite : une introduction d’une vingtaine de minutes où il s’est amusé à enchaîner un heureux mélange de compositions parmi lesquelles ont a notamment pu reconnaître Baby I Love You de Aretha Franklin, Around the Way Girl de LL Cool J, Who is He? de Bill Withers ainsi que People Everyday d’Arrested Development. À la fin de la soirée, on a compris que ce mix était une excellente entrée en matière pour s’immiscer tranquillement dans la recette Glasper.
Sundance était toujours là, présent du début à la fin, en y ajoutant sa touche. Robert Glasper est arrivé sur scène sous les applaudissements de la foule qui scandait presque son nom. À la basse, on retrouve son collaborateur Burniss Earl Travis. Puis, à la batterie, c’est un musicien de grand talent: Chris Dave. Ce nom me disait quelque chose : Chris Dave and The Drumhedz. Leur album homonyme paru en 2018 est un délice. Ce dernier fut, tout au long, un métronome inarrêtable. C’est comme si lui et Glasper se renvoyaient constamment la note en la poussant toujours un peu plus haut, jusqu’à atteindre un paroxysme, une bifurcation, une transition vers une nouvelle ascension musicale.
Glasper n’a pas beaucoup parlé, mais lorsque ce fut le cas, il arrivait chaque fois à faire rire une bonne poignée de spectateurs. Quoi de mieux pour détendre encore plus l’atmosphère et créer une chaleureuse connexion avec son public? Celui qui navigue sur plusieurs rives musicales, soit le Hip-Hop, le Soul, le Jazz, le R&B, le Funk et plus encore, a flirté avec tous ces genres pendant 90 minutes. Dans ce spectacle où tout semblait se répéter en s’accentuant, à l’image des cercles concentriques, on a pu entendre de multiples décompositions, juxtapositions et recompositions de trames figurant sur la trilogie Black Radio, mais également des joyaux issus d’albums comme Art Science (2016) et Everything’s Beautiful (2016). Il n’était pas toujours évident de déceler parfaitement une mélodie précise à une chanson, mais cet effet était accueillie par le public puisqu’il donnait l’impression que peu importe la note, tout un chacun pouvait y trouver son compte dans l’environnement sonore ingénieusement déployé. L’improvisation s’est également bien immiscée dans ce moment charnière du festival. Et que dire de la superbe voix de Robert Glasper, douce, charmante ? Elle me faisait penser à celle de Myron.
Parmi quelques éléments notables, on remarque le défi lancé à Chris Dave qui devait reproduire des coupures de R&B et Hip-Hop, le moment où la foule s’est transformée en oiseau alors qu’elle ne pouvait plus arrêter de siffler, le solo de basse de Burniss Earl Travis ainsi que l’hommage à J Dilla. Quel moment! Mes oreilles se sont également satisfaites des notes de la chanson Persevere, laquelle figure sur Black Radio II (2013).
Ce festival ne cesse de raffermir mon amour pour des artistes que je ne pensais jamais voir en personne. Merci!