FIJM 2022 | jour 3 : Kamasi Washington, Makaya McCraven et Niall Mutter
En ce samedi et troisième soirée de la 42e édition du Festival de Jazz de Montréal, c’était au tour du saxophoniste Kamasi Washington de faire office de tête d’affiche. Du début à la fin, il a transporté les milliers de spectateurs qui ont vibré sur ces compositions contemplatives. Un peu plus tôt, Makaya McCraven et Niall Mutter ont également capté mon attention.
Makaya McCraven
Makaya McCraven, un deuxième soir ? Oui! C’est vrai, je suis un fan du percussionniste-compositeur américain, mais au-delà de cette petite obsession (3e fois que je le vois, 3e fois au Gesù), je voulais y assister, car, lorsque j’ai fait ma demande pour couvrir le spectacle, son invité n’était nul autre que Ravi Coltrane. Pour une deuxième fois, je me suis vu quelque peu peiné de l’absence d’une collaboration à laquelle j’aurais aimé assister. Heureusement, Ravi Coltrane m’attend demain à la Maison symphonique.
Le nom du trompettiste Keyon Harrold ne me disait rien, mais ce n’est plus le cas maintenant ! Surprise, moi qui pensais le manquer, le guitariste Jeff Parker, le trompettiste Marquis Hill et le bassiste Junius Paul complétaient à nouveau le groupe comme les cinq doigts d’une même main.
Ça ne prend que quelques instants pour être envoûté par leur mélange homogène qui allie jazz, free jazz, musique méditative et hip-hop. De longues et lentes montées, des progressions hautement maîtrisées, des transitions imprévisibles tout comme plusieurs moments qui procurent un essoufflement apaisant, voilà quelques pistes qui donnent envie de croiser Makaya McCraven sur son chemin. On parcourt plusieurs lieux, on se fait surprendre, notre corps appartient à la musique, on applaudit médusé.
Niall Mutter
Sur l’Esplanade, il y avait un excellent spectacle à écouter à 19h un soir d’été.
Niall Mutter est un jeune artiste talentueux avec qui j’ai eu la chance d’échanger à de nombreuses reprises. Lorsque j’ai vu son nom apparaître sur la carte du festival, je n’ai donc pu camoufler mon énorme sourire et ma hâte d’assister pour une première fois à un de ses concerts. Ce dernier, qui vient de faire paraître un premier EP intitulé Pass Me By (2022), était accompagné de ses fidèles acolytes. Son band, composé d’un claviériste, d’un percussionniste, d’un guitariste et d’un bassiste, a complété à merveille la présence du chanteur qui, tantôt à la guitare tantôt au clavier, a chanté la rêverie sur des mélodies rock planantes. Plusieurs chansons du EP dont You, Pass Me By et I Wonder ont entrecoupé de nouvelles compositions ainsi que des chansons encore en chantier et quelques moments instrumentaux bien dosés. Un saxophoniste est même venu se joindre à la partie ! Leur présence sur scène était captivante. Dans leur élément, l’ensemble m’a fait penser à Timber Timbre et Babe Rainbow, deux groupes que j’affectionne. Les moments de chœur furent un charme. Leur attitude de chilleur leur donne une prestance plaisante à consommer.
On sent qu’au travers du temps qui passe, le son se modèle et l’image de l’artiste, du groupe, se définit plus amplement. Je pense que pour la suite, je travaillerais à enrichir les paroles qui manquent de variété. De plus, j’imagine qu’il pourrait être intéressant de laisser encore plus d’espace aux autres musiciens. J’attends la suite avec impatience!
Kamasi Washington
L’une des seules choses qui peuvent s’avérer déchirantes dans un festival, c’est de réaliser que deux artistes vont jouer en même temps et qu’il faut prendre une décision. Dans mon cas, alors que je m’étais faufilé à l’avant du MTelus pour assister à la venue de Joey Bada$$, artiste que j’écoute ici et là depuis son merveilleux opus 1999 (2012), j’ai regardé mon téléphone pour prendre une note. Résultat, le spectacle a pris du retard, le 21h29 tourne au 30 et Kamasi Washington est sur le point de fouler la Scène TD. Mon ami et moi, on se regarde et sans hésiter, on se met à marcher d’un pas considérable afin de parcourir la foule bondée qui nous sépare de notre objectif.
J’ai pu profiter de cette prestation qui m’a fait vibrer du début à la fin. Plusieurs raisons expliquent la réussite de ce moment grandiose, à commencer par la prestance de Kamasi Washington. Ce qu’il dit, ce qu’il dégage, ce qu’il joue. Les compositions du virtuose ont quelque chose d’émouvant. Saxophone ténor à la main, il guide son navire de musicien.nes et nous montre la voie avec un son jazz groovy R&B qui dans sa complexité virevoltante, demeure accessible. Kamasi Washington, qui vient tout juste d’être papa, ainsi que ses musiciens ont joué une brillante composition de Art Blakey en plus d’un fragment de l’album Harmony of Difference (2017) et l’une de ses plus récentes, Sun Kissed Child (2021). Plusieurs passages étaient empreints d’une grande spiritualité alors que, plongés pendant de longues minutes dans leur vortex musical, nos corps ont oublié la gravité. C’était comme si on visitait les temples du jazz.