Concerts

Festival International de Jazz 2019 : Donny McCaslin, Christian Scott a Tunde Ajuah et Theon Cross

Donny McCaslin, bientôt connu sous le nom du dude qui a joué le sax sur Blackstar, était programmé dans les nuits jazz au Gesù samedi dernier. Quelle histoire. Mettons mis à part le son trop fort et les éclairages génériques au risible : harmonies stagnantes et insipides, trois chanteurs improvisés se remémorant leurs partitions, un groupe tout droit sorti d’une gig à Tivi, synthétiseurs monochromes, criards, simplets, botchés, mal placés, des formes affaissées, des compositions passablement pastichées en boucles plaquées et cycliques, une attitude qui me rappelait drôlement secondaire en spectacle… Une performance mince et exaspérante.

À entendre Christian Scott a Tunde Adjuah louanger ses musiciens hier soir, on était au Monument National devant l’apothéose du sextuor, l’Idée platonicienne de l’ensemble jazz. À entendre ses albums, en présence du timbre touffu et chaleureux de ses magnifiques trompettes, de ses mélodies planantes, modales et flottantes, des batteries pesées et foisonnantes, de son mélange savant de styles, d’époques, de cultures musicales, on pourrait commencer à y croire… Mais hier, le monument n’a pas résonné au son de cette subtilité, devant cette chaleur que l’on connaît à Scott. La pauvre salle fut plutôt inlassablement saturée, violentée par un groupe vargeux à l’écoute infortunée, happée dès les premières notes par un mur de son aux frontières du désagréable —, et ce même avec l’aide désespérée de bouchons.

Le trompettiste était obligé de s’époumoner dans ses instruments pour espérer percer les coups de son batteur sans finesse. Le clavier aux échantillons agressifs qu’utilisait le pianiste ne rendait pas du tout justice à son jeu, qui a eu ses beaux moments. Le percussionniste, manquant de place, semblait se sentir obligé de bûcher sans relâche pour pallier au manque d’écoute et de parcimonie du batteur. En somme, chacun des instrumentistes jouait les uns avec les autres, mais semblait se battre constamment avec ses confrères pour prendre le micro. Ils ont presque réussi à me faire oublier à quel point Scott pouvait avoir un jeu profond et lyrique et à quel point certaines de ses compositions sont belles, respirent. Tous les musiciens sur la scène étaient bons, mais ils ont été mal dirigés. Il aurait fallu à cette performance plus de repos, plus de réflexion, plus d’honnêteté.

J’ai terminé ma soirée à l’Astral avec Theon Cross, un tubiste énergumène et son trio qui sans prétention nous ont offert une performance énergique, entraînante, inventive et surtout très honnête. Trouver la place d’un tuba comme instrument soliste dans un trio aux multiples influences de musique électronique (assez semblable à Moon Hooch dans l’approche) n’est pas chose simple, et bien que ça n’ait pas fonctionné tout le temps, Cross s’en est très bien sorti. Ses solos laissaient beaucoup de place à la nuance, au vaste éventail de sonorités sous-utilisées de cet instrument quelque peu marginal… La saxophoniste et le batteur prenaient une place relativement conservatrice, mais le tout était assez bien exécuté. Malgré les bosses dans les orchestrations (instrumentation oblige) et quelques petites disproportions formelles [des longueurs aux précipitations], la soirée était bien agréable. Vraiment, après Scott, cette bouffée de vernaculaire faisait un grand bien.

Pour vous donner une petite idée de l’atmosphère qui prévalait lors de cette soirée, voilà notre retour en photos des soirées du 1er et 2 juillet.

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