Festival de la chanson de Tadoussac 2018 : Jour 2
Quand j’ai enfin déposé mes pénates sur la plage de la baie de Tadoussac après ma journée de travail, j’ai pu remettre autour de mon coup mon collier de festivalière (a.k.a. ma passe média). Des guitares et des ukulélés se font gratter un peu partout sur les trottoirs, quais et rochers environnants. Ça sent l’été, la crème solaire, la peau chauffée et les vacances.
Je suis arrivée sous le chapiteau Desjardins juste à temps pour attraper les trois derniers artistes de Destination Chanson Fleuve, un programme de résidence d’écriture et de tournée pour artistes de la relève. Marion Cousineau, de Montréal, tenait le micro pour une chanson française bien conventionnelle, mais bien exécutée. A suivi Jeanne Côté, de Petite-Vallée, qui a offert une performance honnête, mais elle aussi conventionnelle. Pierre-Hervé Goulet est venu clore le spectacle avec un bagage de scène plus fourni: il joue de la guitare avec dextérité, il habite l’espace et l’occupe. Avec sa pièce Doobie, il a insufflé de l’énergie au public qui l’a chaudement applaudi. Mais il faut l’avouer, à Tadoussac, le public ovationne facilement. À chacun des spectacles, c’est le standing ovation, les «bravos» qui fusent.
Au site Hydro-Québec, Matiu se démenait avec ses musiciens pour offrir du country-rock à une foule assise sur des chaises de jardin. Une bonne voix, une bonne prestance, mais des paroles sur une «blonde qui ne fait que chialer, anyway», ça me fait virer de bord. Ça a bien adonné, parce qu’entre le haut du village et l’Hôtel Tadoussac, j’ai croisé les demoiselles vêtues aux couleurs de Québecor qui donnent gracieusement des billets. J’ai eu l’impression de faire un deal de drogue tandis qu’elles regardaient à gauche à droite avant de me refiler deux billets pour Marjo.
Dans le sous-sol de l’Hôtel Tadoussac, Ilaria Graziano & Francesco Forni se démenaient avec leur guitare et leur mandoline. Ilaria a une voix entre Lhasa de Sela et la chanteuse d’Allegria, Francesco, lui, a la voix chaude d’un crooner. Les deux racontent des histoires dans un français entrecoupé d’italien plutôt charmant entre leurs pièces festives. Deux femmes se sont mises à danser entre les chaises et un bien valeureux bébé boomer leur a sèchement demandé de faire moins de bruit.
Je suis alors partie faire un tour du côté de Cy, un groupe qui se dit «indie-folk» du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. Si je n’ai jamais réussi à comprendre d’où venait l’indie dans leur catégorie, j’ai quand même souri devant leur hommage au gravy et devant leur «ti-fer», joli nom donné au triangle. Mais je ne comprends pas pourquoi le chapiteau Desjardins où Cy donne sur le côté rue et non pas sur le fleuve, pour que le public puisse admirer la baie qui s’ouvre derrière les musiciens.
Ensuite, je suis allée voir le monument qu’est Marjo. J’ai pogné de quoi, la première fois depuis le début Festival. De l’énergie, une générosité, de la beauté. C’était une communion de fans conquis entre les chaises (encore des chaises) et la scène, tandis que Marjo prenait entre ses doigts les mains des jeunes et des moins jeunes aux premières loges. Un beau party d’une heure trente, de gros frissons et de sourires plaqués au visage, à chanter en cœur des chansons si souvent entendues. Et j’ai fait le souhait solennel d’être aussi en forme lorsque j’aurai 65 ans, moi aussi.
Finalement, je suis allée apprendre la recette de la bagosse avec le Winston Band, qui nous a fait répéter les ingrédients en chantant. Ça va comme suit : des pommes/des poires/de l’eau du sucre d’la levure. Je ne suis pas restée pour leur dégustation de grillon, mais je salue leur audace. La scène derrière l’Auberge est peut-être la seule à avoir une ambiance de festival, un éclairage intéressant, une énergie. Peut-être qu’enfin le festival commence pour de vrai?