FEQ 2023| Jour 12: Sara Dufour, Robert Charlebois et les Cowboys Fringants
Chaque année, le Festival d’été de Québec essuie son lot de critiques. La logistique n’est pas toujours parfaite et, de toute façon, dans un gros festival comme ça, il va toujours y avoir des gens pour se plaindre. Cela dit, peu importe notre point de vue, sur le FEQ, on ne peut qu’être d’accord que le fait d’étirer le festival pour reprogrammer les Cowboys Fringants était un magnifique geste. La tristesse du public réuni sur les Plaines jeudi dernier quand les orages ont débuté était palpable et a vraiment permis de prendre le pouls de l’amour de Québec pour la formation repentignoise. Avoir une deuxième chance de vivre cette soirée a réchauffé le coeur de toute la Vieille Capitale.
Ce sentiment a également été partagé par les gens désirant voir Sara Dufour qui avait été annulée jeudi dernier et Charlebois dont le spectacle avait été amputé d’une bonne heure. Seul artiste à avoir foulé les planches la semaine passée, lui aussi avait clairement envie de retrouver la même scène des Plaines d’Abraham qu’il a inaugurée il y a près de 50 ans avec Vigneault et Leclerc.
Sara Dufour
Devant une foule déjà compacte, Sara Dufour avait l’air de trouver très surréaliste le fait de se retrouver sur une scène aussi mythique. Un grand sourire aux lèvres, l’autrice-compositrice-interprète avait clairement l’intention de profiter de chaque seconde de ce moment. Démarrant sur les chapeaux de roue avec Chez Té Mille, elle a également fait beaucoup de places à ses musiciens durant toute la durée de son spectacle. Avec la pièce Baseball elle a ensuite pris le temps de se présenter à ceux qui ne la connaissaient pas. Celle qui chante avoir quitté sa région pour aller à Montréal jouer dans Watatatow a même fait un petit clin d’oeil à la série culte en reprenant une partie du générique sur scène. « Mon premier show sur les Plaines c’était le 23 juin il y a 20 ans et c’était les Cowboys!» s’est-elle exclamée avant de conclure son concert avec Chez nous, c’est Ski-Doo. Clairement, c’était un moment qu’elle et ses fans n’oublieront pas de si tôt.
Robert Charlebois
De la même manière qu’il avait débuté jeudi dernier, Charlebois est arrivé sur scène au son de la pièce Le Manque de confiance en soi. « On a manqué notre coup jeudi, mais on ne manquera pas notre coup ce soir, c’est promis! » a affirmé la légende en début de concert. Sans temps morts, la podorythmie et le violon de Dolores ont commencé à se faire entendre. Comme d’habitude, des petites blagues se sont ajoutées aux paroles de la chanson. « Ah oui, j’ai eu une Amphicar, ça c’est une voiture qui pouvait aller dans l’eau […] avec ça on n’aurait plus besoin d’un 3e lien! »
C’était vraiment inspirant de voir qu’à 79 ans le patriarche du rock québécois était toujours très allumé et en voix. Rendant hommage à ses compatriotes du passé qui ont créé «le premier party des Plaines» avec lui, il a évidemment fait chanter la foule le mythique QUÉBEC sur Les ailes d’un ange composée pour le fameux spectacle de 1974. Après les rock and roll Entr’ deux joints et Mon Pays, c’est la période plus psychédélique de sa carrière qui a été mise de l’avant. Tout écartillé et surtout la géniale Fu Man Chu ont été des moments forts qui ont continué de prouver toute l’étendue de son répertoire.
Sans surprise pour les festivaliers présents jeudi, Louise Forestier est ensuite arrivée pour enchaîner California et évidemment Lindberg de leur album collaboratif classique. Après près de 50 ans d’amitié, les voix de ces deux monuments se mélangent toujours aussi bien sur la scène. Le public ne s’est pas fait prier pour chanter la plus légendaire chanson. Ce fut également le cas pour Ordinaire qui a suivi dans un tonnerre d’applaudissements. Charlebois s’était lui-même donné la mission de réchauffer ça pour les Cowboys et sa mission était plus qu’accomplie avec J’t’aime comme un fou qui a fait sauter tout le monde. Même chose pour le rappel Te v’là qui a laissé tout le monde énergisé pour accueillir le groupe. Un spectacle à la hauteur d’un artiste qui, malgré son statut de mythe vivant, est toujours aussi pertinent et captivant.
Les Cowboys Fringants
Bon… Pour ce show-là, je dois briser ma règle de ne pas écrire à la première personne dans mes textes. Du haut de mes trente ans, j’ai dû voir les Cowboys près d’une trentaine de fois sur tout le territoire du Québec. Avec ma sœur jumelle qui connaît toutes les chansons aussi bien que moi, on a fait beaucoup de route et dormis dans des endroits pas toujours très confortables pour les voir en spectacle. Jeudi dernier, après l’annulation, nous avions quitté les Plaines pour nous réfugier chez elle et gratter les chansons à la guitare jusqu’aux petites heures du matin. Dire qu’on avait hâte de vivre ce rendez-vous entre le groupe et les Plaines relève de l’euphémisme et, à en voir les 90 000 personnes présentes, nous n’étions pas les seuls. On le sait, Karl Tremblay combat actuellement un cancer et tous les Québécois ayant déjà été touchés par sa voix (aussi bien dire tous les Québécois) ont envie de lui dire qu’ils l’aiment.
Sur une mélodie de violon touchante de Marie-Annick Lépine, ce dernier est arrivé sous des applaudissements et des cris plus que soutenus, pour s’installer au micro et entonner Ici-bas.
Malgré nos vies qui s’emballent dans une époque folle
– Ici-bas
Où un rien nous détourne du simple instant présent
Alors que tout s’envole
Avec le temps
Malgré la mort, celle qui frappe et qui nous fait pleurer
Ou bien celle qui un jour, tôt ou tard, nous fauchera
Je m’accroche les pieds
Ici-bas
Pour moi et pour des dizaines de milliers de spectateurs, c’était les premières larmes. La combinaison de la situation, de la beauté des mots et de la mélodie de Jean-François Pauzé ainsi que la voix toujours aussi forte de Karl Tremblay avait de quoi émouvoir.
Tant que mes yeux s’ouvriront
– Ici-bas
Je cherch’rai dans l’horizon
La brèche qui s’ouvre sur mes décombres
La lueur dans les jours plus sombres
Tant que mes pieds marcheront
J’avancerai comme un con
Avec l’espoir dans chaque pas
Et ce jusqu’à mon dernier souffle ici-bas
On savait qu’on vivrait une soirée magique et que les Cowboys allaient tout donner pour ce spectacle déjà mythique. Solide, le groupe a enchaîné avec Bye Bye Lou pour permettre aux gens de se relever et de danser. Les festivités se sont poursuivies avec La Manifestation où Tremblay a tourné son micro vers les Plaines à de nombreuses reprises. Très en voix, le public a chanté toutes les paroles de toutes les chansons du début à la fin comme pour donner un coup de main à leur chanteur préféré.
Comme d’habitude, c’est le bassiste Jérôme Dupras qui agissait comme la courroie de transmission entre les fans et le groupe. Faisant crier chaque côté des Plaines en utilisant une baguette de drum comme baguette de chef d’orchestre, il a mis tout le monde dans les bonnes conditions pour chanter La Reine. Après avoir blagué avec Pauzé sur le fait de vouloir faire une nouvelle chanson, Tremblay a ensuite laissé la capitale lui chanter Toune d’Automne à pleins poumons. Enchaînant avec Les maisons toutes pareilles marqué par un très beau visuel derrière les musicien.nes, le chanteur a ensuite eu besoin de s’asseoir un peu. « La prochaine se fait bien assis » a-t-il dit en toute légèreté après être revenu sur sa décision de céder temporairement le micro à Pauzé.
Deuxième moment de larmes pour moi avec Sur mon épaule.
Ç’a l’air qu’on apprend d’la souffrance
– Sur mon épaule
C’est sûrement rien qu’d’la psycho-pop
Au fond rien n’a de sens
Mais ce soir, je l’ai vu
Le mouchoir de larmes dans ta poche
J’aime pas ça savoir que tu
Tiens avec d’la broche
S’époumonant, le public a vraiment mis les bouchées doubles pour que le groupe sente son amour. Même eux qui avaient été très solides depuis le début du spectacle commençaient à avoir les yeux humides. Après la prophétique Plus rien, une petite pause étant nécessaire pour Karl, Jean-François Pauzé a pris le micro pour Le temps perdu, courte pièce de Motel Capri. Le chanteur principal a, par la suite, saisi son harmonica pour souffler les premières notes de L’Amérique Pleure. Le public en joie a également énormément accompagné le groupe pour le morceau le plus emblématique de leur dernier disque en date ainsi que pour Droit Devant juste après. Les chansons plus dansantes ont refait surface par la suite avec Joyeux Calvaire et surtout le classique Awikatchikaën durant lequel Dupras s’est jeté dans une foule qui sautait et dansait. C’est Tant qu’on aura de l’amour qui a conclu le concert avant le rappel avec une chorale de spectateur.ices sur scène.
Après des cris probablement encore plus bruyants et enthousiastes que ceux pour Green Day la veille, les Cowboys sont revenus sur scène avec des bières et des gazous pour l’inévitable Shack à Hector suivie par la tout autant éthylique Marine Marchande. C’est Sara Dufour qui a accompagné Tremblay dans le duo au grand plaisir de la foule qui avait trouvé la chanteuse très sympathique en début de concert.
Évidemment, un spectacle des Cowboys ça se termine avec Les Étoiles filantes et celui-ci n’a pas échappé à la règle. Avec des machines à confettis et des éclairages grandioses, le groupe et son public ont terminé le concert en symbiose. Tout le monde chantait la fameuse ligne d’accordéon de Lépine comme s’il n’y avait pas de lendemain et que la fête ne se terminerait jamais. Après des remerciements à tout le monde Tremblay et ses acolytes ont finalement décidé d’offrir un dernier cadeau à la ville de Québec en se regroupant les quatre autour d’une chaise pour conclure avec Un p’tit tour que les dizaines de milliers de spectateurs ont chanté encore une fois, pour une dernière fois.
Parfois dans la vie, on prend les choses pour acquises et on fait comme si elles étaient éternelles. J’ai grandi en ayant toujours les Cowboys présents quelque part à la radio, à la télévision, sur internet ou sur une scène et je crois que, d’une certaine façon, je les ai toujours considérés comme permanents. Aujourd’hui, le lendemain de ce spectacle, je me sens choyé d’avoir vécu ce moment en compagnie de ce groupe qui m’a accompagné à tous les moments de ma courte existence. Je dirais même que je me sens rassuré. Les Cowboys sont immortels.
Crédit photo: Sébastien Dion/Stéphane Bourgeois/FEQ