Le flamenco trône au nirvana de mes arts de prédilection. Depuis mes nombreuses escales sur la terre gitane bénie, de Cordoue à Grenade, cette performance de l’absolu ne cesse de me mystifier.

Cet été, je m’infiltrais dans le milieu flamenco montréalais, sur les traces de Rocio Vadillo pour prendre le pouls de cette énergie contagieuse, du chant et de la danse. Alors quand j’ai su que le prince du flamenco, Farruquito, s’amenait pour deux soirées à la Place-des-Arts, la flamme fut illico ravivée… OLÉ!

Impressionnant personnage que ce Juan Manuel Fernández Montoya, dans la lignée fidèle de son grand-père El Farruco. Clamé comme « le plus grand danseur de flamenco de ce siècle » par le New York Times, il me fallait voir de mes yeux le phénomène Farruquito. Ce bailaor ancré dans la tradition, mais accordé avec son temps. Accompagné de six complices chanteurs et musiciens, il apparaît dans toute sa splendeur en solo – dansant, abandonné aux chants puissants de sa bande, attablé, maître du tempo de la main au talon et à la guitare. Puis en duo, avec une gitana morena, incarnation du désir, de l’extrême intensité du jeu flamenco. Défier par le dépassement de son art, ses jambes semblent portées comme un élastique tendu. Le fracas de ses tacones relève du don, celui de la danse totale, sans aucun faux mouvement. Une cadence jusqu’au bout de l’effort humain qui lui vaudra de nombreuses ovations, tout au long du spectacle.

L’autre femme d’Íntimo, une dame châtaine forte, tout droit sortie du monde de la nuit de la bohème, détentrice d’une puissance vocale rare, chante avec un tel débit sonore que mon voisin, un homme du troisième âge, se tourne à chaque fois vers moi, comme pour protéger son tympan. Au terme du spectacle, il me confiera, sur un air naïf : elle chante fort cette dame ! Au terme de la performance se crée une ronde festive, celle du tablao typique, où chacun exprime un dernier souffle par les claquements de ses dix doigts, de ses pieds, en une danse collective des alegrías ! Triomphe pour Farruquito, l’homme qui danse plus vite que son ombre.

Crédit photo: Thibault Carron